Le succès de l’opération de sauvetage des enfants perdus dans la forêt colombienne après un accident d’avion est lié à la reconnaissance des cultures autochtones et marque un tournant dans la difficile construction de la paix en Colombie, estime, dans une tribune au « Monde », la géographe Alice Beuf, professeure à Bogota.
« Ce sont des enfants de la forêt, et maintenant ce sont les enfants de la Colombie. » C’est par ces mots que le président Gustavo Petro a terminé son allocution pour annoncer le sauvetage, le 9 juin, de Lesly, Soleiny, Tien Noriel et Cristin Mucutuy, ces enfants retrouvés dans la forêt amazonienne après avoir survécu à un accident d’avion, le 1er mai.
Ces enfants élevés dans la communauté uitoto muinane de Puerto Sabalo - Los Monos, sur les bords du fleuve Caqueta, au milieu de l’immensité verte, ont pu compter sur les enseignements reçus depuis leur plus jeune âge, comme il est de coutume chez les peuples autochtones d’Amazonie : connaissance des plantes, sens de la responsabilité, de l’effort et du travail, respect de la vie et de la forêt, la madre selva.
Le message du président de la République colombien est limpide. Ce ne sont pas les quarante jours d’errance qui les ont faits « enfants de la forêt » ; ils l’étaient déjà, et ce point est essentiel pour comprendre leur capacité de survie. En revanche, ils sont bel et bien devenus le symbole d’une nation multiculturelle, désormais résolument tournée vers la paix.
Collaboration entre armée et communautés autochtones
De manière inédite, le « miracle » de leur sauvetage dit au pays tout entier que chaque vie compte, comme pour conjurer la guerre mortifère qui persiste encore dans certains territoires ainsi que dans les chairs et les esprits de nombreux Colombiens, en plein travail de mémoire et de réparation des traumatismes du passé.
Ce discours insiste aussi sur l’importance que les cultures autochtones ont acquise au niveau national, grâce à un mouvement social structuré depuis les années 1970. Les peuples autochtones bénéficient d’une reconnaissance institutionnelle, de droits territoriaux collectifs et d’une représentation toujours plus grande..
Par Alice Beuf, professeure à Bogota - Le Monde
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