Trois copines de toujours et tant de bons souvenirs en commun. Et puis rien ne va plus. Justesse du deuxième roman de l’écrivaine et journaliste.
Ils ne sont pas nombreux, les romans sous la blanche couverture Gallimard qui citent (dès la première page !) le film Dirty Dancing, d’Emile Ardolino (1987), et plus précisément l’une de ses inoubliables répliques : « Tu n’as pas besoin de courir le monde après ton destin comme un cheval sauvage. » Adolescentes, la narratrice des Amies, de Nolwenn Le Blevennec, Armelle, et sa copine Rim se repassaient la scène en se tordant de rire, rembobinant encore et encore la cassette VHS. Est-ce qu’adultes, et une fois leur duo devenu trio en compagnie d’Anna, elles ont suivi le pourtant sage conseil dispensé par le personnage de Jennifer Grey à celui de Patrick Swayze ? Se sont-elles dispensées de jouer à leur tour, plus ou moins, aux chevaux sauvages ? Evidemment pas.
Après avoir eu leurs enfants et vécu en même temps l’incontournable phase « materno-logistique » (« Des squares, des Monopoly et la mort. Voilà le programme »), il est venu aux trois journalistes, au mitan de la trentaine, l’envie, sinon de « courir le monde après [leur] destin », en tout cas d’aller voir quelques jours en Tunisie, du côté de Djerba, si leur jeunesse et leur pouvoir de séduction y étaient encore un peu. Et ? Eh bien, ils y étaient suffisamment pour charmer des hommes qui n’auraient pas été leur genre hors de la phase dite « du grand réveil » (« Une crise postmaternelle enflammée. Emma Bovary en est la sainte patronne (…) pour l’esprit de décision et l’intrépidité »).
Trois ans plus tard, désintoxiquées de ces passions adultérines « vides », c’est de leur lien à toutes les trois qu’elles sont allées prendre des nouvelles sur une autre île, bretonne, cette fois. Le roman s’ouvre le 23 mai 2021, encore trois ans après ce week-end froid, qui a marqué une rupture entre elles, dont le lecteur ignore longtemps la nature. Mais il sait d’emblée que ce jour-là est l’anniversaire de Rim, et qu’Armelle, au lieu de le fêter avec ses amies, est au fond de son lit, occupée à se rembobiner non plus un film mais les événements. A faire le compte des malentendus et des rancœurs, à se souvenir des moments de synchronicité entre elles trois et des scènes témoignant de la dislocation de leur concorde.
« Les Amies », de Nolwenn Le Blevennec, Gallimard, 256 p., 20 €, numérique 14 €.
Par Raphaëlle Leyris - Le Monde - World Opinions
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