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Soudan : la menace de lapidation continue à planer sur les femmes

 

REPORTAGE. Activistes et avocats se mobilisent pour obtenir la relaxe d'une femme condamnée à la lapidation, une peine jamais appliquée sous el-Béchir mais toujours présente.

Elles sont quelques dizaines à s'être rassemblées devant le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDC) de Khartoum ce mercredi 14 septembre vers midi. « Stop à l'humiliation des femmes », scande Amal Sidahmed, entre autres slogans que ses consœurs répètent en chœur. Psychiatre, elle est aussi membre de l'Union des femmes soudanaises, l'une des 61 organisations signataires d'une déclaration que ces Soudanaises sont venues remettre en mains propres à Mazen Shaqoura, le représentant local du HCDC. Leur principale revendication concerne la libération d'une femme de 20 ans condamnée, le 26 juin, à la lapidation pour un prétendu cas d'adultère.

Cette peine archaïque n'a en effet jamais disparu du Code pénal, même durant les deux ans de transition démocratique. « Malheureusement, les réformes concernant les droits des femmes ont été sans cesse ralenties. Le gouvernement de transition demeurait calqué sur le régime d'Omar el-Béchir [le dictateur déchu en 2019, NDLR]. Il n'était pas révolutionnaire car il comprenait des militaires qui ont entravé la volonté politique des civils », décrit Ihsan Fagiri, la fondatrice de l'initiative « Non à l'oppression des femmes », l'un des autres collectifs signataires de la missive.

Le retour de la loi sur l'ordre public 

Depuis que les généraux ont repris le pouvoir le 25 octobre, les Soudanaises ont vu toute perspective de progrès s'éloigner. « Les militaires évoquent en permanence la loi sur l'ordre public et ont recommencé à agresser les femmes dans la rue, poursuit Ihsan Fagiri. Ces messages nous font peur. » Symbole des trente années de dictature militaro-islamiste, la loi sur l'ordre public faisait par exemple encourir des coups de fouet aux femmes portant des vêtements considérés comme indécents. Le 10 août dernier, le directeur général de la police a annoncé la création d'un « Service de police communautaire », qui rappelle les brigades chargées de faire respecter ce texte pourtant officiellement aboli.« Nous ne renoncerons pas à nos droits. » « La lapidation est un crime, pas une punition. » Les affiches brandies par les manifestantes témoignent, dans le même temps, d'une détermination intacte que ce soit chez les sexagénaires qui se sont battues toute leur vie ou chez les plus jeunes qui ont initié la révolution de décembre 2018. Et qui continuent à descendre dans la rue chaque semaine pour protester contre le coup d'État, malgré la cruelle répression qui a fait au moins 117 morts et plus de 6 000 blessés.

Une sentence probablement annulée en appel

Ameera Osman, la présidente de « Non à l'oppression des femmes », a été écrouée pendant deux semaines début 2022 en raison de son engagement pro-démocratie. Jeans slim et tête non voilée, elle ne prévoit aucune embellie en termes de parité, sauf « renversement réel et total du régime islamiste ». Elle pense pourtant que la condamnation à la lapidation de la jeune habitante de l'État du Nil Blanc, situé au sud de la capitale, sera levée. « Cette peine n'a jamais été prononcée pour un homme. Il s'agit d'un texte visant à terroriser les femmes. Nous nous mobilisons pour annuler cette sentence et faire disparaître ce châtiment inhumain », explique cette ingénieure.

Du côté de la défense aussi, l'espoir prévaut. « Nous sommes tous optimistes », assure l'avocate de la femme toujours emprisonnée. Elle ajoute que trois juges continuent à étudier le dossier et que la date du procès en appel n'a pas encore été fixée. « Le juge qui a prononcé cette sentence est le seul à y croire. Nous comptons sur le soutien des autres juges de la cour d'appel, souligne Sulima Ishaq, à la tête de l'unité gouvernementale pour combattre les violences contre les femmes et les enfants. L'accusée va bien. Elle bénéficie d'un soutien psycho-social ainsi que de celui de sa famille », rassure-t-elle.

Le général al-Burhane attendu à New York

La lettre remise au HCDC exige donc la relaxe immédiate de cette potentielle première victime d'une peine si sévère qu'elle n'a jamais été appliquée depuis son adoption en 1991. Mais aussi la ratification des traités internationaux protégeant les droits des femmes tels la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (Cedaw) et le Protocole de Maputo. « Il est urgent d'instaurer un suivi en nommant un envoyé de l'ONU chargé des droits de l'homme au Soudan. Car pour l'heure, en tant que femmes, nous ne sommes pas en sécurité », insiste Ihsan Fagiri, de « Non à l'oppression des femmes ». 

La veille de ce rassemblement s'ouvrait, à New York, la 77e assemblée générale de l'ONU. Le porte-parole de l'armée a confirmé au Point Afrique que le général Abdel Fattah al-Burhane, principal auteur du putsch, assistera au débat général entre les chefs d'État à partir du 22 septembre. 

World Opinions - Le Point Afrique

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