Pour suppléer au problème du gaz russe, dont les Européens ne veulent plus dépendre depuis l’invasion de l’Ukraine par Moscou, les Vingt-Sept se tournent désormais vers les Etats-Unis. Dopé par la situation géopolitique, l’homme d’affaires libanais Charif Souki, pionnier du gaz naturel liquifié, investit massivement pour répondre à la demande.
Dans les herbes folles, un héron fait mine d’ignorer le défilé des pétroliers géants. Ces derniers progressent, en ce mardi 8 mars à l’aube, à travers la Sabine Pass, un canal entre le Texas et la Louisiane sur le golfe du Mexique, pour rejoindre l’immense complexe pétrolier de Port Arthur.
Ce bout du monde a des airs de fin du monde, avec ses raffineries et leurs fumerolles, ses routes défoncées, ses maisons de gardes-côtes surélevées pour résister tant bien que mal aux ouragans qui dévastent chaque année le golfe du Mexique. Mais c’est de là que viendra peut-être le salut des Européens, si dépendants de la Russie pour leurs hydrocarbures.
En face d’un mémorial, qui rappelle une bataille perdue par la marine d’Abraham Lincoln contre les confédérés pendant la guerre de Sécession, un terminal génère un bruit assourdissant : c’est celui de l’entreprise Cheniere Energy, où du gaz naturel liquéfié (GNL) est chargé dans deux méthaniers d’une belle couleur orange. Des cuves de gaz flambant neuves sont en bordure du canal, alimentées par un pipeline et une immense usine de compression.
Un investissement supérieur à 25 milliards de dollars (22,5 milliards d’euros). Tout cela n’existait pas il y a quelques années. Ce terminal est l’une des infrastructures qui doivent permettre aux Européens de remplacer en partie le gaz russe.
L’un des hommes à l’origine de cette révolution, c’est un Américain d’origine libanaise, Charif Souki, 69 ans, qui nous reçoit à Houston, en marge de la CERAWeek by S&P Global, le forum pétrolier mondial. Jeune homme, il était parti étudier aux Etats-Unis et y est resté en raison de la guerre civile dans son pays. Il devient banquier d’affaires, s’installe provisoirement à Paris. Cet arabophone fait des affaires dans ces années 1970, en plein chocs pétroliers, quand le monde arabe est roi, au point de s’arrêter de travailler au milieu des années 1980.
Renverser la vapeur
Après une dizaine d’années à vivre la dolce vita à Aspen, dans les montagnes du Colorado, à court d’argent, il se lance dans le gaz naturel liquéfié aux Etats-Unis. Sur une mauvaise intuition, mais qui lui mettra le pied à l’étrier.
Par Arnaud Leparmentier - Le Monde
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