Histoire, guerre et paix s’imposent à nouveau dans la présidentielle française. La question mémorielle entre Français et Algériens ne cesse d’être ravivée par les candidats à la fonction présidentielle.
C’est Emmanuel Macron, l’actuel président français qui est le premier à utiliser la relation franco-algérienne dans la campagne présidentielle. Le chef d’Etat, qui n’a certes pas encore officiellement déclaré sa candidature, fait d’opportuns allers-retours sur le passé colonial de la France à quelques mois du scrutin.
Le non choix d’Emmanuel Macron
Le président de toutes les versions de l’histoire. C’est ainsi qu’Emmanuel Macron est perçu par une partie de l’opinion française, alors que la France et l’Algérie s’apprêtent à commémorer en mars prochain les accords d’Evian.
La semaine dernière, le président français revenait sur les massacres d’Européens par l’armée française dans la rue d’Isly (actuelle Rue Larbi Ben M’hidi) à Alger le 26 mars 1962, qui ont fait 60 morts.
Il a qualifié ces « massacres » d' »impardonnables ». « Les soldats français, déployés à contre-emploi, mal commandés, ont tiré sur des Français », a reconnu Emmanuel Macron. Pour la première fois, un président français avouait la responsabilité des autorités françaises dans l’abandon des pieds noirs.
Emmanuel Macron a également demandé à l’Etat algérien de reconnaître les massacres d’Européens à Oran le 5 juillet 1962, appelant l’Algérie à « regarder en face » cet épisode qui a donné lieu à la mort de « centaines d’Européens, essentiellement des Français ». Une demande décalée au moment où l’Algérie réclame la reconnaissance des crimes commis durant la colonisation française.
Cette fois, le président semble faire de l’œil à l’électorat pieds noirs.
Parmi les nombreuses associations de pieds noirs, l’information a été reçue de différentes manières. Si certains Français d’Algérie ont été émus d’entendre les mots « massacre » et « impardonnable » dans la bouche de leur chef d’État, d’autres associations, à l’inverse, n’y ont vu qu’un discours sans fond et sans actes. Et surtout pour beaucoup ils ne viennent pas annuler la reconnaissance de la colonisation comme crime contre l’humanité par Emmanuel Macron en 2017.
Alors qu’il était seulement candidat à la présidentielle à l’époque, il avait profité d’un déplacement à Alger pour admettre l’horreur de la colonisation. Ces mots, les pieds noirs ne lui ont pas pardonné. Quant aux Algériens, pour eux ce n’était qu’un début de réconciliation et le travail de cicatrisation mémorielle est encore long.
Depuis le début de son mandat, Emmanuel Macron tente de redessiner les contours de l’histoire entre la France et l’Algérie, il a des mots pour toutes les exactions que la France n’a jamais voulu admettre, des Algériens noyés le 17 octobre 1961, aux tirs sur les Français quelques jours après les accords d’Evian dans la rue d’Isly.
Refus du manichéisme ou enjeu électoral, la posture d’Emmanuel Macron est surtout perçue comme maladroite.
L’Algérie, vue de loin, débattue de près
La mémoire algéro-française n’est finalement qu’une porte d’entrée pour se positionner face à l’Algérie. Chaque élection présidentielle ressort la carte Algérie pour diverses questions, tant la France est liée à ce pays. Immigration, passé colonial, coopération bilatérale. A chaque élection française, tous les chemins mènent à l’Algérie, ça ne rate pas.
On aurait pu croire que pour cette présidentielle 2022, l’Algérie serait un bien lointain sujet. D’ailleurs on remarque que cette année aucun candidat ne s’est (encore) déplacé à Alger, alors que c’était une tradition française.
Les précédentes campagnes impliquaient à minima un voyage présidentiel officiel. Nicolas Sarkozy, François Hollande ou encore Emmanuel Macron avaient effectué leur voyage de « candidat » à Alger avant d’être élus.
Même les profils un peu plus outsider se pressaient aux portes algériennes. On se souvient d’Arnaud Montebourg, fier de revendiquer les origines algériennes de sa mère. Les négociations en amont avec l’Algérie semblaient être un passage obligé pour les candidats à la présidentielle.
Cette fois, personne ne se rend sur les terres algériennes. Le covid-19 est une excuse valable pour éviter les déplacements politiques. Alors on joue la question algérienne à domicile.
Pas de campagne présidentielle sans Algérie
Dès que les premières candidatures ont été déclarées, le rapport à l’Algérie est très rapidement ressorti. Emmanuel Macron n’a pas été le seul à prendre à bras le corps le sujet Algérie, bien au contraire.
Eric Zemmour en fait quasiment son thème de campagne. On ne compte plus les mesures anti-algériennes que l’homme a promis. Sa dernière sortie sur l’Algérie date seulement de dix jours. Il promettait d’exclure la repentance française et de négocier « entre hommes » avec les dirigeants algériens.
Le candidat d’extrême-droite a promis de détruire les dernières pierres des accords négociés entre la France et l’Algérie au lendemain de l’indépendance. Il veut en finir avec les accords de 1968, qui favorisent les déplacements des Algériens vers la France. Eric Zemmour se sert des vieux désaccords mémoriels pour rompre avec l’Algérie d’aujourd’hui.
Toujours à droite, Valérie Pécresse s’est également engouffrée dans la question mémorielle. L’occasion pour la candidate de s’opposer à Emmanuel Macron, qui selon elle « a un problème avec l’histoire », puisqu’elle estime qu’il n’y a jamais eu de crime contre l’humanité dans cette histoire commune.
A l’inverse, à gauche, on observe une mise en scène de soutien à l’Algérie. Jean-Luc Mélenchon s’épanche sur ses liens avec le Maghreb dans des confidences intimes livrées au magazine Gala. Sa grand-mère qui avait quitté l’Algérie pour le Maroc lui fait monter les larmes dans les colonnes du magazine people. Elle qui vivait « en osmose avec les musulmans » suscite aujourd’hui encore son admiration.
L’Algérie devient ainsi une sorte de balle de tennis que les candidats s’envoient en pleine face pour gagner quelques suffrages par-ci et par-là ou pour mettre en danger les candidats rivaux.
A trop être citée, l’Algérie en devient un sujet qui permet de toucher de nombreuses communautés, que ce soit les franco-algériens, les immigrés, les pieds noirs, les anti-immigrations ou encore la fachosphère. Pourquoi donc s’en passer ?
World Opinions + TSA
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