Rika, seule à Chiang Mai, peut respirer, enfin. Elle fuit l’existence rangée qu’on attend d’elle. Un roman entre lumière et ombre.
Avec des si, Rika n’aurait certainement rien fait de tout cela. Elle ne serait pas cette silhouette parmi d’autres dans le vieux centre de Chiang Mai. Une ville du nord de la Thaïlande où, « dans les rues blanchies par le soleil, elle avait partout l’impression qu’existaient des trous sombres ».
Ou pas. Car les héroïnes de Mitsuyo Kakuta, née en 1967, lauréate du prestigieux prix Naoki en 2005 pour Celle de l’autre rive (Actes Sud, 2008), sont à la fois la somme de leurs sentiments (souvent complexes), mais également le produit des circonstances et des événements (toujours imprévisibles).
Dans ce très beau et très maîtrisé Lune de papier, rien d’évident qui puisse se réduire à une intrigue de feuilleton. Sinon ce motif entêtant de la femme en fuite, voire en cavale, déjà dans l’impressionnant La Cigale du huitième jour (Actes Sud, 2015), récit d’un enlèvement et d’une longue échappée. Des femmes qui passent d’une ombre à une autre, faisant profil bas. Mais pour elles-mêmes, désormais.
Une critique de la société nipponne
Car, en creux, derrière ce motif de la femme qui se dérobe à l’existence rangée qu’on attend d’elle, il y a, bien sûr, une critique de la société japonaise contemporaine autant qu’une ode à la liberté. Rika connaît ainsi, au milieu du livre, une illumination qui change le cours des choses.
Un petit matin, sur un quai de gare, « un sentiment de plénitude l’envahit, plus proche de la toute-puissance que de la satisfaction ». Et puis ce mot qu’elle savoure..
« Lune de papier » (Kami no tsuki), de Mitsuyo Kakuta, traduit du japonais par Sophie Refle, Actes Sud, 352 p., 22 €, numérique 17 €.
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