Alors que la CEA* craint une explosion de l'extrême pauvreté, le PNUD et le gouvernement ivoirien publient une enquête de terrain riche d'enseignements sur l'impact du Covid-19.
En Afrique, la crise économique est devenue dans un laps de temps très rapide une cruelle réalité. La Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) a fait savoir ce mercredi 3 juin que la pandémie de Covid-19 pourrait selon ses projections pousser 29 millions de personnes dans la pauvreté extrême. « L'Afrique connaissait déjà l'impact économique de la crise du Covid-19 avant même son impact sur la santé publique et elle pourrait subir un ralentissement de la croissance de 1,8 % à 2,6 % du PIB, ce qui pourrait pousser 29 millions de personnes dans la pauvreté extrême », a déclaré la secrétaire exécutive de la CEA, Vera Songwe dans un communiqué. Et les mesures mises en place dans 42 pays d'Afrique pour protéger les populations de la pandémie « ont déjà coûté à la région près de 69 milliards de dollars par mois et devraient avoir un impact négatif sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) dans la région ». Illustration en Côte d'Ivoire, où l'Institut national de la statistique et le PNUD, le programme des Nations unies pour le développement ont sorti trois enquêtes sur les conséquences socio-économiques de la pandémie et les impacts plus précisément sur les secteurs de l'informel et les entreprises du formel. Résultat dans ce pays sept millions de personnes sont déjà passées sous le seuil de pauvreté.
Une enquête sur trois dimensions
Pour l'instant, ce ne sont que des estimations, mais les perspectives qu'elles présentent ne sont en rien rassurantes pour la suite. D'après les auteurs, « cette enquête révèle des chocs immédiats et à venir sur les ménages et le secteur productif informel ». Premier constat : le revenu mensuel moyen des chefs de ménage ivoiriens a chuté de 43 % au mois d'avril de 60 000 à 34 000 francs CFA. Plus de 32 % des familles sont ainsi tombées sous le seuil de pauvreté, soit environ 7 millions de personnes.
Deuxième enseignement, la crise frappe beaucoup plus les ménages urbains que ruraux, et en particulier les ménages de la capitale Abidjan. Par exemple : plus de 72 % des chefs de ménage en chômage technique du fait du Covid-19 résident à Abidjan, contre seulement 28 % à l'intérieur du pays. Et aucune couche sociale n'est épargnée. La crise a détruit 1,3 million emplois dans l'informel soit 39 %. Plus d'un quart de ce qu'on appelle les « unités de production informelle » ont dû arrêter leur activité, et plus de la moitié ont été obligés de la réduire. Il faut souligner que le secteur informel joue un rôle prépondérant dans l'économie de la Côte d'Ivoire. En effet, ce secteur contribue à plus de 40 % au produit intérieur brut (PIB) et à la création d'emplois. Mais comme le révèle l'enquête des équipes de l'INS et du PNUD « de manière particulière, les chefs d'UPI sont très satisfaits de la mesure de mise en place d'un fonds spécifique aux entreprises du secteur informel touchées par la crise pour un montant de 100 milliards de FCFA et estiment que cette mesure aura un impact positif sur leur activité ».
En attendant, l'une des conséquences de cette baisse des revenus, c'est l'incapacité des ménages de rembourser leurs dettes et surtout à faire face aux dépenses domestiques. Ces chiffres ne font que confirmer les craintes exprimées depuis le début de la pandémie par les différentes institutions comme la Banque mondiale, qui estime que la croissance en Afrique subsaharienne devrait se rétracter fortement passant de 2,4 % à - 5,1 %, plongeant la région dans sa première récession depuis plus de 25 ans. « Cette crise a exacerbé la vulnérabilité des ménages et la fragilité du secteur informel et des petites et moyennes entreprises », analyse pour sa part le PNUD.
La Côte d'Ivoire diversement impactée
Pour le cas de la Côte d'Ivoire, les conséquences de la pandémie s'évaluent à plusieurs niveaux. Même si le nombre de cas de coronavirus augmente il est assez stable avec 3 110 cas et 35 décès, le pays est tout de même impacté, comme tous les États africains riches en ressources naturelles par une forte baisse de la demande et du prix des cours.
Loin d'être resté indifférent, le gouvernement a réagi assez rapidement. Et il y avait urgence. Car c'est bien la première fois depuis de longues années que la Côte d'Ivoire va connaître une croissance inférieure à 5 %. « Notre croissance économique, estimée à 7,2 % pour l'année 2020, serait réduite de moitié à 3,6 %, dans l'hypothèse d'une maîtrise de la pandémie fin juin », a annoncé le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. En conséquence, son gouvernement a pris des mesures économiques pour compenser les pertes. Il a rapidement adopté un plan de riposte national qui contient des mesures d'accompagnement des entreprises. Pour connaître leur impact sur le long terme, l'État a prévu de poursuivre sa série d'enquêtes, toutes les six semaines, en collaboration avec la Banque Mondiale et les agences du système des Nations unies, afin de mesurer l'évolution à la lumière des décisions gouvernementales en réponse à la pandémie du Covid-19. À la lumière des trois premières études il ressort trois scénarios possibles qui auraient de lourdes conséquences sur la pauvreté dans le pays. Si la crise ne devait durer qu'un trimestre le taux de pauvreté – qui se situait aux alentours de 37 % avant la crise sanitaire – augmenterait de 4 points. + 10 % si la crise devait durer deux trimestres. + 21 points, soit un taux de pauvreté approchant les 60 % si la crise venait à durer un an ou plus.
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