Mis en examen pour viols, il a reconnu des rapports sexuels décrits comme consentis, ce qu’il niait jusqu’ici.
Tariq Ramadan avait donc menti. Entendu par les juges d’instruction, lundi 22 octobre, l’islamologue de 56 ans a reconnu des relations sexuelles avec Henda Ayari et « Christelle » (un prénom d’emprunt), les deux premières femmes à avoir déposé plainte contre lui, en octobre 2017, pour viols.
« Je voulais simplement revenir sur mes déclarations, (…) je n’avais pas dit la vérité, j’avais menti, a-t-il déclaré aux magistrats, selon une source proche du dossier. Sur les deux cas. » Dans ce feuilleton judiciaire qui s’étire depuis bientôt un an, le rebondissement est majeur : l’intellectuel musulman, mis en examen depuis le 2 février, avait toujours nié le moindre rapport physique avec l’une ou l’autre.
Mais le mea culpa n’est pas allé plus loin. Après deux heures d’audition, MeEmmanuel Marsigny a résumé la nouvelle ligne de défense de son client : les relations avec les deux plaignantes ont été « parfaitement souhaitées et consenties ». « Sa parole est enfin libérée, et il en est soulagé », a assuré l’avocat dans le hall du nouveau palais de justice de Paris, devant une quinzaine de journalistes.
« La raison pour laquelle Tariq Ramadan a été contraint jusqu’à présent de ne pas reconnaître avoir eu des relations, a-t-il poursuivi, tient au fait que, depuis le départ, tant sur le plan médiatique qu’au cours de sa garde à vue (…), il a eu le sentiment que la conviction était acquise de ce qu’il était coupable des faits pour lesquels il était mis en examen, sans être en mesure de disposer des éléments matériels qui viennent récemment d’être versés au dossier. »
399 SMS
Ce dernier retournement de situation résulte de la récente expertise informatique d’un ancien téléphone de Christelle, la plaignante qui l’accuse d’un viol lors de leur unique rencontre, le 9 octobre 2009 dans une chambre d’hôtel à Lyon.
Les 399 SMS exhumés de l’appareil, versés au dossier d’instruction fin septembre, ne laissaient guère de doute sur la réalité d’un rapport physique dans la chambre du théologien suisse. Le 10 octobre 2009, Tariq Ramadan avait écrit à Christelle, en début de soirée : « J’ai senti ta gêne… désolé pour ma “violence”. J’ai aimé… Tu veux encore ? Pas déçue ? » Puis, quelques heures plus tard : « Tu n’as pas aimé… Je suis désolé, [Christelle]. Désolé. »
De l’été à la fin de l’année 2009, tous deux se sont envoyé des messages à caractère sexuel, ainsi que des textos plus conflictuels. Mais l’exégèse de ces SMS, rendue ardue par le fait que seuls ceux de Tariq Ramadan sont horodatés et que certains échanges sont incomplets, suscite désormais des conclusions opposées entre les avocats des différentes parties.
Si l’islamologue a désormais changé de version, son avocat adopte toujours un ton offensif, accusant les plaignantes de mentir. Il assure que les SMS démontrent que les deux plaignantes étaient consentantes. « Quel crédit donneraux accusations de [Christelle] alors qu’on retrouve un texto de sa part lui disant que si elle passait un mauvais moment elle serait partie (…), que la peau de M. Ramadan lui a manqué dès qu’elle a claqué la porte ? », s’est-il interrogé, lundi. Il a par ailleurs indiqué avoir versé au dossier de nouveaux SMS de Henda Ayari, prouvant selon lui une relation consentie.
« Eléments matériels accablants »
« L’avocat de M. Ramadan ment, comme son client a menti et sali les plaignantes pendant onze mois, a réagi Me Eric Morain, l’avocat de Christelle. Les SMS de ma cliente ne sont pas horodatés, et aujourd’hui personne, à part elle, n’est capable de dire quand elle les a envoyés. Elle s’expliquera devant les magistrats instructeurs si ceux-ci la convoquent. »
Confrontée pour la deuxième fois à Tariq Ramadan le 18 septembre, Christelle avait maintenu sa version et renouvelé ses accusations. Lui, avait assuré n’avoir fait que boire un verre avec elle dans le hall de l’hôtel. Il ignorait alors les résultats de l’expertise téléphonique, arrivée sur le bureau des juges quelques jours plus tard.
« La réalité du dossier montrait que la position de Tariq Ramadan n’était plus soutenable, estime Me Francis Szpiner, l’avocat de Henda Ayari. Les éléments matériels, malgré les gesticulations de sa défense, étaient accablants. Mais ce n’est pas parce que M. Ramadan reconnaît quelque chose qu’il est obligé de reconnaître, que brusquement il dit vrai. Il a encore du chemin à faire sur le chemin de la vérité. »
Lundi, le théologien est reparti à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), où il est détenu. Son avocat a annoncé, de son côté, avoir déposé une nouvelle demande de mise en liberté, la quatrième depuis l’incarcération de son client, il y a plus de huit mois.
Par Yann Bouchez/lemonde.fr
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