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Leibniz, le philosophe espion qui conspirait au profit de l’Allemagne

[Ecrivains espions, espions écrivains 1/5]. Leibniz (1646-1716) a été l’agent secret de Mayence à la cour de Louis XIV, tentant d’influer sur sa politique et pratiquant l’espionnage industriel.
Qui fut vraiment Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) ? D’abord, l’un des plus grands philosophes de tous les temps, un des plus géniaux savants de son époque, qui développa – simultanément avec Newton – le calcul infinitésimal. Mathématicien, géologue, passionné de machines arithmétiques, Leibniz incarne la figure de l’optimiste à tous crins ridiculisé par le personnage de Pangloss, le songe-creux de Candide, de Voltaire (1759).
Pourtant, son existence dément le mythe du philosophe la tête dans les étoiles qui tombe dans un puits. Juriste de formation, il exerce la profession de diplomate, mais aussi d’informateur, au service des princes allemands, qui lui ouvrent, malgré ses origines bourgeoises, le chemin des diverses cours d’Europe où se joue la politique de l’âge classique. On devrait même à ce féru de néologismes l’invention du terme « géopolitique ».
Leibniz, dont nombre d’opuscules et de traités (comme sa Théodicée de 1710) sont écrits dans notre langue – alors celle des lettrés, à égalité avec le latin –, n’en professe pas moins un amour sans faille pour sa patrie allemande, morcelée en 360 Etats souverains.
Luthérien, il milite ardemment pour la « réunion » des Eglises catholique et protestante. Cet « irénisme », son souci de pacification du continent européen, va d’ailleurs de pair avec son idéal philosophique d’« harmonie préétablie », ou « concomitance » entre l’âme et le corps garantie par Dieu, et que notre nature bornée, ne voyant qu’une partie du tableau de l’Univers, nous empêche seule de percevoir.
Cela ne l’empêche pas de brocarder Louis XIV et ses ambitions hégémoniques dans un pamphlet satirique (Mars christianissimus, « Mars très chrétien », 1684), destiné à mettre au moins les rieurs de son côté. Le patriote Leibniz est « à jamais (…) francophobe », affirme le spécialiste Yvon ­Belaval dans son précieux Leibniz. Initiation à sa philosophie (Vrin, 2005).
Par Nicolas Weill/lemonde.fr

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