Donald Trump a reconnu mercredi Jérusalem capitale de l'Etat d'Israël. Avant lui, aucune administration ne s'était risquée à prendre position sur cette question jugée par trop sensible et complexe. Explications.
Jérusalem, une ville disputée
Jérusalem, une ville disputée
"Trois fois sainte", la ville de Jérusalem, qui compte près de 900'000 habitants, est à la fois centre de la vie religieuse juive, berceau du christianisme et troisième lieu saint de l'islam.
Les quelque 300'000 Palestiniens de Jérusalem ont un statut de résidents permanents, le même que celui offert à un étranger qui veut habiter en Israël. Les résidents permanents ont la permission d’habiter, de travailler, d'accéder aux services et de voter aux élections municipales en Israël. D'une manière générale, Israéliens et Palestiniens vivent côte-à-côte plus qu'ils ne cohabitent.
Le statut de Jérusalem est l'un des points les plus épineux du conflit israélo-palestinien, sur lequel la plupart des négociations ont achoppé: les Israéliens revendiquent que la ville soit la capitale exclusive de l'Etat d'Israël. De leur côté, les Palestiniens revendiquent la partie Est de la ville pour y installer la capitale de leur éventuel futur Etat.
Une question irrésolue depuis des décennies
Le droit international accorde un statut unique à Jérusalem dès 1947, lors du vote du plan de partage par les Nations unies. Ce plan prévoit un Etat juif et un Etat arabe. Jérusalem, considéré "corpus separatum" ("corps séparé"), doit pour sa part être géré par la communauté internationale, en raison de son importance pour les trois grands monothéismes.
Mais ce plan ne sera jamais mis en oeuvre. Après la guerre de 1948-1949 entre Israël et les pays arabes, la partie occidentale de la ville devient israélienne, la partie orientale étant occupée par la Jordanie. En 1967, après avoir gagné la guerre des Six Jours, Israël en prend le contrôle et en fait, en 1980, sa capitale "une et indivisible".
De son côté, la communauté internationale martèle que la ville doit être la capitale de deux Etats et faire l'objet de négociations entre Israéliens et Palestiniens. Mais lors des négociations sur les accords d'Oslo, signés en 1993, les diplomates tombent d'accord sur un point: trop complexe, le statut de Jérusalem sera négocié plus tard.
En 1995, le Congrès américain adopte le Jerusalem Embassy Act, qui reconnaît formellement Jérusalem comme la capitale d'Israël, et appelle au déménagement de l'ambassade. Prudents, les présidents américains vont temporiser les uns après les autres, jusqu'à Donald Trump. Actuellement, toutes les ambassades se trouvent à Tel-Aviv.
Une promesse de campagne de Donald Trump
Durant sa campagne électorale, Donald Trump avait promis à plusieurs reprises de mettre en application le Jerusalem Embassy Act, notamment lorsqu'il avait reçu le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en septembre 2016 à New York. Il s'agit là vraisemblablement d'une manière de tenir cette promesse, tout en tranchant avec ses prédécesseurs.
Plusieurs analystes y voient aussi un calcul de politique interne: la décision consoliderait son soutien auprès des électeurs ultra-conservateurs, notamment auprès des chrétiens évangélistes américains qui ont mené un lobbying intense en faveur d'une reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël.
Le président américain assure ne pas renoncer pour autant aux négociations. Depuis sa prise de fonction, Donald Trump clame sa volonté de réussir là où les autres ont échoué, en étant un acteur-clé d'un éventuel futur accord de paix. Mercredi, il a affirmé que le transfert d'ambassade ne signifiait pas prendre position sur des questions de "statut final". Un point de vue inaudible pour les Palestiniens.
Une décision largement condamnée mais "symbolique"
A l'exception d'Israël qui l'a saluée chaleureusement, la décision de Donald Trump a suscité une vague de réprobations presque unanime au sein de la communauté internationale, en particulier de la part des capitales arabes. Elle a bien sûr provoqué la fureur côté palestinien, le Hamas, qui gouverne la bande de Gaza, appelant même à une nouvelle intifada.
Pour beaucoup d'experts, Donald Trump a ouvert une boîte de Pandore et fait courir le risque d'une nouvelle flambée de violence au Moyen-Orient. Ceci dit, tous ne s'attendent pas à de graves conséquences concrètes, comme l'expliquait le géopolitologue Frédéric Encel au micro de la Première mercredi.
Mais cette décision risque de compliquer l'éventuelle reprise d'un processus de paix. Pour le spécialiste, le "timing est presque le pire que l'on puisse trouver, notamment du fait de l'absence totale de négociations entre Israéliens et Palestiniens".
Sur le terrain, la présence israélienne de plus en plus prononcée à Jérusalem-Est, ajoutée aux initiatives unilatérales en Cisjordanie avec l'accroissement des colonies, ont rendu l'application de la solution à deux Etats avec une capitale divisée de plus en plus improbable.
Par Pauline Turuban
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