Leïla Slimani orchestre avec beaucoup de maîtrise un drame implacable porté par une baby-sitter (presque) parfaite.
"Le bébé est mort. Il a suffi de quelques secondes. Le médecin a assuré qu'il n'avait pas souffert." Près de lui, dans la salle de bains, Mila, sa "grande" soeur, succombera très vite; enfin, complétant le tableau, au pied du lit à barreaux, gît Louise, la nounou, poignets sectionnés, couteau dans la gorge: "Elle n'a pas su mourir." En trois petites pages d'ouverture, l'auteur nous plonge dans l'innommable. A la quatrième, la vie reprend son cours, ou, plutôt, fait marche arrière. Et la belle Leïla Slimani de dérouler son implacable récit.
Quelques mois après la naissance de leur second enfant, Myriam et Paul se décident à faire appel à une baby-sitter - Paul, producteur de musique, a des horaires erratiques, Myriam souhaite exercer son métier d'avocate pénaliste.
Un style faussement détaché
Séance de casting: c'est Louise, frêle quinquagénaire, qui est retenue. Un choix évident, "comme un coup de foudre amoureux", note le narrateur. Bonne pioche: Louise amadoue les enfants, organise de fastueux anniversaires, s'occupe du ménage, de la cuisine, bref, se rend vite indispensable. La fée du logis devient la source infaillible du bonheur familial...
Evidemment, le lecteur est aux aguets, impatient de déceler le moindre indice annonciateur du drame à venir. Tout l'art de l'écrivain, déjà manifeste dans son premier roman, Dans le jardin de l'ogre, est là: sa façon de distiller les bémols, d'alerter sur telle ou telle incongruité relève d'une belle maîtrise, d'autant qu'elle est portée par un style épuré et faussement détaché des plus efficaces. Un (macabre) enchantement.
Par Marianne Payot
CHANSON DOUCE, PAR LEÏLA SLIMANI. GALLIMARD, 240P., 18€.
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