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Gianni Infantino, un «plan B» devenu président de la FIFA

«Gianni, s’il te plaît, une question pour la télévision espagnole. Tu peux nous répondre en castillan?» «Herr Infantino, en allemand s’il vous plaît: Michel Platini est-il toujours payé par l’UEFA?» «Mister Secretary, l’UEFA demande-t-elle le report de l’élection prévue le 26 février?»
C’était il y a quinze jours à Nyon. Dans toutes les langues, surtout celle de bois, le secrétaire général de l’Union des associations européennes de football (UEFA) affirmait le soutien «unanime» des 54 pays membres de l’UEFA à Michel Platini et répondait à la presse internationale. Sourire automatique et contrôle total de rigueur. Une question ne fut jamais posée: «Monsieur Infantino, serez-vous candidat à la présidence de la FIFA?»

«Plan B»

Personne n’imaginait le secrétaire général endosser le costume de présidentiable, ne fusse que pour assurer un «plan B» à l’UEFA si la candidature de Michel Platini doit être invalidée par le Tribunal arbitral du sport. Pour tous les amateurs de football, Gianni Infantino n’était jusqu’au 26 octobre que le préposé affable et polyglotte des cérémonies de tirage au sort. Le mensuel So foot lui avait consacré l’un de ses portraits «Mais qui es-tu donc?» et l’avait rebaptisé «le chauve de l’UEFA», surnom officiel depuis, dont il s’amuse. De Gianni Infantino, tout le monde sait donc qu’il a «le crâne luisant et rond comme les petites boules qu’il s’apprête à tripoter» (So Foot) mais c’est à peu près tout.
Il n’est pas comme Sepp Blatter qui revient dès qu’il peut en Valais mais il a gardé des attaches dans la région. Sa mère et ses deux sœurs vivent toujours à Brigue
Pour en savoir plus, le web est d’un piètre recours. Sa page Facebook s’est récemment créée toute seule, comme c’est le cas lorsque la demande (curiosité) excède l’offre (publicité). Elle n’est remplie que par le maigre contenu de sa page wikipédia: né à Brigue le 23 mars 1970, avocat, double nationalité suisse et italienne. «Il n’est pas comme Sepp Blatter qui revient dès qu’il peut en Valais mais il a gardé des attaches dans la région. Sa mère et ses deux sœurs vivent toujours à Brigue», explique Hans-Peter Berthold, journaliste sportif à la Walliser Bote.

Self-made man

Fils d’immigrés italiens – son père tenait un kiosque à Brigue – Gianni Infantino s’est fait tout seul. Pour payer ses études de droit à l’université de Fribourg, il a travaillé la nuit dans les wagons-lits. Son ambition est simple, pure: vivre de sa passion du football. Et ce ne pouvait se réaliser sur le terrain. «J’avais deux pieds gauches», se désola-t-il un jour dans la Walliser Bote. «Chez nous, il a joué en juniors, puis en actifs dans notre quatrième ligue», détaille Arnold Rinaldo, actuel président du FC Brig-Glis. Après, il est parti pour ses études mais il est resté attaché au club. Il est venu il y a quelques années pour le centenaire.»
En 1995, Gianni Infantino postule pour travailler comme juriste au Centre international d’étude du sport qui vient de s’ouvrir à Neuchâtel. «Il a été mon avocat en 1997 lorsque Sion était en procès avec le Spartak Moscou pour une barre transversale trop basse, se souvient Christian Constantin, le président du FC Sion. Il m’avait fait bonne impression. Je l’avais trouvé moins bon en 2011 lorsque, déjà secrétaire général de l’UEFA, il avait cédé aux pressions de la FIFA et exclue Sion de l’Europa League.»

Réseau impressionnant

C’est que durant l’intervalle, l’ambitieux juriste a creusé son sillon. A Neuchâtel, où il côtoie comme chargé de cours des jeunes dirigeants africains aujourd’hui à la tête de leur fédérations nationales, comme à Madrid, où il apprend une nouvelle langue en travaillant un an à la fédération espagnole, et bien sûr à Nyon, où il débarque au département juridique de l’UEFA en 2000, il se tisse un impressionnant réseau qui doit tout autant à son habileté qu’à ses compétences. Par son mariage avec une Libanaise, il ajoute encore l’arabe à son registre. Le couple a quatre enfants.
Son patronyme est paraît-il typique de la province de Reggio de Calabre, dans le pied de la Botte. Ses parents viennent de Reggio, ses grands-parents de Cittanova, plus à l’intérieur des terres. En 2006, Gianni Infantino a reçu le prix «San Giorgio d’Oro» pour avoir contribué au rayonnement de la ville. «J’ai trop de souvenirs de cette ville et du parfum de cette terre pour l’oublier», déclare-t-il lors d’une cérémonie organisée au Palazzo San Giorgio. A Reggio, il possède une résidence près du bord de mer. C’est, dit-on, un vrai Calabrais. Quand il vous en veut, il vous en veut.

Platini «fou de rage» par sa candidature

C’est sans état d’âme que Gianni Infantino a lancé sa candidature. La froideur du communiqué, sans un mot pour le suspendu Michel Platini, a surpris. En 2013, Le Temps demandait à Gianni Infantino s’il avait des ambitions personnelles. «Lors de son discours à Monaco, Michel Platini a dit qu’un secrétaire général ne devrait pas postuler pour devenir président. Il n’a ensuite pas manqué de me le faire remarquer. Le message est clair!» «La question aujourd’hui, c’est de savoir s’il est le plan B ou le plan A de l’UEFA», résume Hans-Peter Berthold. Qui n’en sait pas plus que les autres. «Depuis l’annonce de sa candidature, il est devenu impossible à joindre. Sa secrétaire m’a dit qu’il rappellera peut-être dans quelques jours.»
Dans Le Matin, Michel Platini continue de ne voir en lui qu’un fidèle exécutant. «On a toujours travaillé la main dans la main. Le jour où je serai blanchi, tout rentrera dans l’ordre.» Officiellement, il n’y a pas l’ombre d’un nuage entre le brillant stratège et son zélé secrétaire. Mais leurs rapports se sont tendus, bien avant cette annonce qui aurait rendu Platini «fou de rage», selon L’Equipe. Le Français, qui se représente en Zorro du football, n’imagine pas Infantino en autre chose qu’un Bernardo non pas muet mais désormais mutique. «Tant que Michel Platini est candidat, je ne peux pas faire de compliment sur Gianni, avoue un dirigeant français à L’Equipe. Sinon, je vous dirais que c’est un bon mec, solide et cultivé.»
«Gianni Infantino n’est pas le candidat de l’Europe mais celui de l’UEFA», persifle, tout en nuance, son adversaire Jérôme Champagne. «Le choix d’Infantino, c’est un compromis boiteux, du soap opera, une farce», s’exclame un observateur cité par Le Monde. D’autres n’imaginent pas l’ambitieux démasqué se contenter d’un rôle de boute-en-train. «Plusieurs fédérations, de tous les continents, m’ont appelé pour me poser des questions sur lui, conclut Christian Constantin. Il intrigue… Comme pas mal de pays sont indécis, s’il fait une vraie campagne, il peut aller un bout.»

Biographie 

1970: naissance à Brigue (VS), le 23 mars
1995: débute comme juriste au Centre international d’étude du sport (CIES) de Neuchâtel
2000: entre à l’UEFA et réalise son rêve de travailler dans le monde du football
2004: nommé directeur du département juridique
2007: promu directeur général ad intérim en remplacement du Suédois Lars-Christer Olsson, démis pour avoir soutenu le président sortant Lennart Johannsson. Devient l’homme de confiance du nouveau président Michel Platini
2009: nommé secrétaire général de l’UEFA
2015: annonce sa candidature à la présidence de la FIFA
Par Laurent Favre/letemps.ch

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