Après l’accord avec l’Iran, Bachar el-Assad espère pouvoir profiter d’un allié de poids pour reprendre l’avantage face à l’Etat islamique et les rebelles syriens. Et lui permettre de ne plus être une position défensive.
Une «grande victoire», un «grand tournant», «un exploit historique». Le président syrien, Bachar el-Assad, n’a pas été avare de superlatifs pour saluer la victoire de l’Iran après la signature, mardi 14 juillet, à Vienne, d’un accord sur son programme nucléaire avec les «P5 + 1» (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine et Allemagne). La joie du «Lion de Damas» n’est pas feinte: le retour en grâce de Téhéran sur la scène internationale joue en sa faveur. L’Iran devrait peser de tout son poids, politique et économique, pour assurer la survie du régime syrien et l’aider à reprendre l’avantage face à l’avancée des rebelles syriens et de l’Etat islamique, qui l’ont acculé à une position défensive sur une bande, dans l’ouest du pays, allant d’Alep à Deraa, en passant par Homs et Damas.
Le régime alaouite et ses alliés chiites placent beaucoup d’espoir dans la levée des sanctions économiques pesant sur l’Iran, avec le déblocage, attendu dans les six mois à un an, de 150 milliards de dollars – 137 milliards d’euros – de revenus du pétrole gelés. «L’Iran pourrait accroître son soutien financier au régime syrien et à ses alliés chiites pour renforcer leurs positions et même reprendre l’initiative pour modifier le rapport de force sur le terrain, estime le politologue Ziad Majed. Même si Téhéran décidait de mettre la priorité sur son développement, il devrait maintenir son soutien de façon à garantir le statu quo sur le terrain et ralentir la chute du régime.»
«Départ organisé»
Plusieurs signaux semblent indiquer que l’Iran n’est pas prêt à revoir son soutien à la baisse. Début juillet, il a débloqué une nouvelle ligne de crédit d’un milliard de dollars pour Damas. Depuis le début du soulèvement syrien, en mars 2011, entre 6 et 35 milliards de dollars par an ont été transférés à Bachar el-Assad, selon l’envoyé des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura. La République islamique a commencé à mobiliser de nouvelles forces chiites en renfort de l’armée syrienne, après les revers qu’elle a essuyés en avril et en mai dans la région d’Idlib (nord) et de Deraa (sud). Sous le contrôle des conseillers iraniens déployés à Damas, entre 8000 et 10 000 combattants aguerris du Hezbollah libanais, autant de miliciens chiites irakiens, et plus de 5 000 combattants afghans hazaras assurent désormais la relève de cette armée, mal en point, qui peine à mobiliser au sein de la population syrienne.
Avec la signature de l’accord de Vienne, l’Iran dispose d’un nouveau levier pour transformer les gains espérés sur le terrain au niveau diplomatique. Revenu dans le concert des nations, il entend promouvoir directement ses intérêts auprès des puissances occidentales, sans l’intermédiaire de Moscou. «Le scénario optimiste serait la tenue de négociations sérieuses pour un accord politique régional», estime Ziad Majed. L’accord sur le nucléaire iranien signé, l’administration américaine pourrait déployer ses efforts afin d’amener l’Iran et les puissances sunnites de la région à trouver un accord de sortie de crise. Un compromis sera difficile et long à trouver entre tous les acteurs du dossier syrien.
Pour les Américains, comme pour leurs alliés occidentaux et sunnites dans la région, le départ de Bachar el-Assad est jugé incontournable. «Par pragmatisme, et non par éthique, les Américains savent qu’il faut qu’il parte. Mais ils veulent un départ organisé. Ils ralentissent sa chute tant qu’ils ne savent pas quel acteur pourrait le remplacer, et pour prendre le temps de discuter d’un accord avec tous les acteurs de la région», estime Ziad Majed. L’éclatement de la rébellion syrienne et la montée en puissance des groupes djihadistes, tels que l’Etat islamique ou le Front Al-Nosra, allié à Al-Qaida, ont convaincu Washington de ne pas précipiter la chute du régime syrien.
Les négociations sur le nucléaire iranien ont amené les Américains à prendre davantage en compte les vues de Téhéran. «Depuis le début des frappes de la coalition contre l’EI en Irak et en Syrie, les Américains évitent de viser le régime et d’ébranler Bachar el-Assad. Il y a un accord tacite avec l’Iran», indique une source diplomatique. Cette même ligne a été imposée aux rebelles syriens que Washington s’est engagé, après de longues tergiversations, à former et à armer pour combattre l’EI.
Le rapprochement entre Washington et Téhéran a particulièrement échaudé ses alliés sunnites dans la région. En réaction, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ont décidé, début 2015, de mettre de côté leurs divergences pour coordonner leur soutien – en formation et armement – à l’opposition syrienne. Ces efforts d’unification se sont traduits par la mise sur pied de l’Armée de la conquête – une coalition incluant des factions islamistes et le Front Al-Nosra – qui a infligé un sérieux revers à l’armée d’Assad à Idlib, lors d’une offensive lancée en avril sans l’aval américain. Sur le front sud, autour de Deraa, les forces soutenues par l’Arabie saoudite ont également fait reculer le régime.
Cette coordination, appelée à s’étendre, risque de mettre à mal les efforts déployés par l’Iran pour que Bachar el-Assad reprenne l’avantage sur le terrain et dans de futures négociations. Le président syrien reste, aux yeux de Téhéran, le meilleur garant de ses intérêts, notamment de la continuité de l’arc chiite, de la Méditerranée au golfe Arabo-Persique. Mais Téhéran pourrait se mettre en quête d’une alternative, à condition que les puissances sunnites soient disposées à un compromis qui respecte ses intérêts à Damas. «L’Iran et le Hezbollah savent que Bachar el-Assad ne peut pas gagner. Ils savent qu’ils peuvent tout perdre en Syrie avec le temps, estime Ziad Majed. Mais c’est important pour eux de prolonger sa vie politique pour négocier dans un rapport de force qui ne leur soit pas désastreux.»
Une «grande victoire», un «grand tournant», «un exploit historique». Le président syrien, Bachar el-Assad, n’a pas été avare de superlatifs pour saluer la victoire de l’Iran après la signature, mardi 14 juillet, à Vienne, d’un accord sur son programme nucléaire avec les «P5 + 1» (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine et Allemagne). La joie du «Lion de Damas» n’est pas feinte: le retour en grâce de Téhéran sur la scène internationale joue en sa faveur. L’Iran devrait peser de tout son poids, politique et économique, pour assurer la survie du régime syrien et l’aider à reprendre l’avantage face à l’avancée des rebelles syriens et de l’Etat islamique, qui l’ont acculé à une position défensive sur une bande, dans l’ouest du pays, allant d’Alep à Deraa, en passant par Homs et Damas.
Le régime alaouite et ses alliés chiites placent beaucoup d’espoir dans la levée des sanctions économiques pesant sur l’Iran, avec le déblocage, attendu dans les six mois à un an, de 150 milliards de dollars – 137 milliards d’euros – de revenus du pétrole gelés. «L’Iran pourrait accroître son soutien financier au régime syrien et à ses alliés chiites pour renforcer leurs positions et même reprendre l’initiative pour modifier le rapport de force sur le terrain, estime le politologue Ziad Majed. Même si Téhéran décidait de mettre la priorité sur son développement, il devrait maintenir son soutien de façon à garantir le statu quo sur le terrain et ralentir la chute du régime.»
«Départ organisé»
Plusieurs signaux semblent indiquer que l’Iran n’est pas prêt à revoir son soutien à la baisse. Début juillet, il a débloqué une nouvelle ligne de crédit d’un milliard de dollars pour Damas. Depuis le début du soulèvement syrien, en mars 2011, entre 6 et 35 milliards de dollars par an ont été transférés à Bachar el-Assad, selon l’envoyé des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura. La République islamique a commencé à mobiliser de nouvelles forces chiites en renfort de l’armée syrienne, après les revers qu’elle a essuyés en avril et en mai dans la région d’Idlib (nord) et de Deraa (sud). Sous le contrôle des conseillers iraniens déployés à Damas, entre 8000 et 10 000 combattants aguerris du Hezbollah libanais, autant de miliciens chiites irakiens, et plus de 5 000 combattants afghans hazaras assurent désormais la relève de cette armée, mal en point, qui peine à mobiliser au sein de la population syrienne.
Avec la signature de l’accord de Vienne, l’Iran dispose d’un nouveau levier pour transformer les gains espérés sur le terrain au niveau diplomatique. Revenu dans le concert des nations, il entend promouvoir directement ses intérêts auprès des puissances occidentales, sans l’intermédiaire de Moscou. «Le scénario optimiste serait la tenue de négociations sérieuses pour un accord politique régional», estime Ziad Majed. L’accord sur le nucléaire iranien signé, l’administration américaine pourrait déployer ses efforts afin d’amener l’Iran et les puissances sunnites de la région à trouver un accord de sortie de crise. Un compromis sera difficile et long à trouver entre tous les acteurs du dossier syrien.
Pour les Américains, comme pour leurs alliés occidentaux et sunnites dans la région, le départ de Bachar el-Assad est jugé incontournable. «Par pragmatisme, et non par éthique, les Américains savent qu’il faut qu’il parte. Mais ils veulent un départ organisé. Ils ralentissent sa chute tant qu’ils ne savent pas quel acteur pourrait le remplacer, et pour prendre le temps de discuter d’un accord avec tous les acteurs de la région», estime Ziad Majed. L’éclatement de la rébellion syrienne et la montée en puissance des groupes djihadistes, tels que l’Etat islamique ou le Front Al-Nosra, allié à Al-Qaida, ont convaincu Washington de ne pas précipiter la chute du régime syrien.
Les négociations sur le nucléaire iranien ont amené les Américains à prendre davantage en compte les vues de Téhéran. «Depuis le début des frappes de la coalition contre l’EI en Irak et en Syrie, les Américains évitent de viser le régime et d’ébranler Bachar el-Assad. Il y a un accord tacite avec l’Iran», indique une source diplomatique. Cette même ligne a été imposée aux rebelles syriens que Washington s’est engagé, après de longues tergiversations, à former et à armer pour combattre l’EI.
Le rapprochement entre Washington et Téhéran a particulièrement échaudé ses alliés sunnites dans la région. En réaction, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ont décidé, début 2015, de mettre de côté leurs divergences pour coordonner leur soutien – en formation et armement – à l’opposition syrienne. Ces efforts d’unification se sont traduits par la mise sur pied de l’Armée de la conquête – une coalition incluant des factions islamistes et le Front Al-Nosra – qui a infligé un sérieux revers à l’armée d’Assad à Idlib, lors d’une offensive lancée en avril sans l’aval américain. Sur le front sud, autour de Deraa, les forces soutenues par l’Arabie saoudite ont également fait reculer le régime.
Cette coordination, appelée à s’étendre, risque de mettre à mal les efforts déployés par l’Iran pour que Bachar el-Assad reprenne l’avantage sur le terrain et dans de futures négociations. Le président syrien reste, aux yeux de Téhéran, le meilleur garant de ses intérêts, notamment de la continuité de l’arc chiite, de la Méditerranée au golfe Arabo-Persique. Mais Téhéran pourrait se mettre en quête d’une alternative, à condition que les puissances sunnites soient disposées à un compromis qui respecte ses intérêts à Damas. «L’Iran et le Hezbollah savent que Bachar el-Assad ne peut pas gagner. Ils savent qu’ils peuvent tout perdre en Syrie avec le temps, estime Ziad Majed. Mais c’est important pour eux de prolonger sa vie politique pour négocier dans un rapport de force qui ne leur soit pas désastreux.»
Helène Sallon
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