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Liberté d'expression : les dessinateurs de presse en première ligne

L'attentat contre leurs confrères de "Charlie Hebdo" en janvier a fortement ému les dessinateurs africains et rappelé à quel point la liberté d'expression pouvait être fragile, bien souvent encore coincée entre tabous, censure et autocensure.
Trois traits de crayon, un trait d'esprit : un crobard en une ou en ligne pour faire rire, pour donner surtout à réfléchir. Caricatures, dessins de presse... des pictogrammes de l'actu qui peuvent valoir à leurs auteurs une reconnaissance populaire. Ou une couronne mortuaire. Sommation barbare à la liberté d'expression, le massacre de Charlie Hebdo a aussi été entendu dans le monde arabe comme l'écho sinistre des coups qui depuis longtemps lui sont portés.
Tombés au champ d'humour, le Palestinien Naji el-Ali en 1987, l'Algérien Brahim Guerroui en 1995, le Libyen Kais el-Hilali en 2011. Condamnés à l'exil, l'Algérien Fathy Bourayou quand le bref printemps algérien de 1988 a cédé la place aux années de sang, le Syrien Ali Ferzat après avoir eu les doigts écrasés en août 2011 par des sbires de Bachar al-Assad, ou encore le Soudanais Khalid Albaih.
Pour ceux qui restent et refusent l'autocensure, c'est retranché dans la semi-clandestinité, comme l'Algérien Ali Dilem, ou dans l'anonymat, comme le Tunisien -Z-, qu'ils résistent, crayon au poing, aux lames de la terreur et au couperet de la loi. Malheur à ceux qui, amusant le peuple, dessinent un roi nu. Touchés dans leur superbe par une pointe d'humour décochée avec justesse, les fiers garants des textes sacrés et des lois des hommes prétextent la religion offensée, le drapeau outragé pour boucler l'impudent. Ou le faire taire à jamais.
Humour et amour-propre
En Afrique du Sud, le régime de l'apartheid voulait-il envoyer aux oubliettes l'illustrateur de pamphlets Mogorosi Motshumi en 1978, puis Jonathan Shapiro, alias Zapiro, en 1988, coupable d'avoir réalisé des affiches pour l'ANC ? Ils se sont rappelés à son bon souvenir ! Mais en 1999, le Sierra-Léonais Muniru Turay, Azzo de son nom de guerre, était envoyé sans retour dans l'au-delà par le Front révolutionnaire uni...
Rares sont les puissants dont l'amour-propre résiste à la corrosion de l'humour. Parfois une exception, comme celle racontée par le Gabonais Pahé : "Lors de ma rencontre avec le Roi du Gabon [le président Ali Bongo], il avait juré sur la tête de toutes ses anciennes copines être ok pour préfacer la suite d'Ali 9. Un beau jour, j'ai reçu un appel royal : "Monsieur Pahé, le roi a signé votre préface, on vous l'envoie !"" "Il n'y a que la vérité qui blesse", dit la sagesse des nations. En Afrique, nombre de crayonneurs de vérité ont payé cher la rage vengeresse des bêtes estropiées.
Par Laurent de Saint Périer

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