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Au Yémen, le coup de force et le pari risqué de l’Arabie saoudite

L’Arabie saoudite a lancé son aviation contre les chiites. La crainte d’un engrenage est générale. Le pari risqué de l’Arabie saoudite..
Quelle mouche a piqué les Houthis yéménites? Très longtemps discriminés par le pouvoir de Sanaa, auxquels ils se sont opposés dans pas moins de six épisodes guerriers, les combattants de ce rameau du chiisme ne se sont pas contentés de prendre le contrôle de la capitale, en septembre dernier, mais poursuivaient leur progression militaire jusqu’à menacer, la ville d’Aden, tout au sud du pays. Répondant à une demande du président Abd-Rabbo Mansour Hadi, les forces armées saoudiennes, épaulées d’une coalition d’Etats arabes, sont entrées en action. Jeudi, elles ont bombardé toute la journée les positions tenues par les Houthis, notamment à Sanaa et, plus au sud, dans la ville de Taëz où des milliers de Yéménites sont descendus dans la rue pour réclamer le départ des combattants houthis.
«Ce coup de force des Houthis est un mystère. En s’aventurant aussi profondément en territoire sunnite, ils savent qu’ils n’ont aucune chance», commente Stéphane Lacroix, chargé de cours à Science Po Paris. Ce spécialiste met en avant «la stratégie du pire»: «En provoquant une intervention armée et un chaos général, ils tentent peut-être de durcir les fronts, et de réunir autour d’eux l’ensemble de la minorité (chiite) des Zaidites, de laquelle les Houthis font partie, mais qui ne se résume pas à eux.»
Une hypothèse qui semble se confirmer sur le terrain. Alors que les raids saoudiens auraient coûté la vie à une vingtaine de civils à Sanaa, et que des centaines de familles tenteraient de fuir les combats, les Yéménites sont aujourd’hui partagés entre deux répulsions: «Cette agression (saoudienne) est jugée inacceptable assure Hisham al-Omeisy, un jeune activiste de Sanaa, qui a formé Al- Watan, un petit parti d’opposition. S’il fallait choisir, les gens sous les bombes se proclameraient Houthis», s’exclame-t-il.
Ces dernières semaines, l’Iran chiite n’aurait cessé d’affermir son soutien à l’endroit des rebelles. Alors que, jusqu’ici, aucune connexion aérienne ne reliait Sanaa et Téhéran, les vols quotidiens se compteraient désormais par dizaines. selon des déclarations faites à Téhéran, le pouvoir iranien aurait accompagné son appui financier de la promesse de fournir gratuitement aux combattants houthis du pétrole «pendant un an».
En décidant d’intervenir militairement, l’Arabie saoudite semble avoir pris de cours non seulement l’Iran, mais aussi son allié américain. A ses côtés, sont également présents d’autres pays du Golfe, comme les Emirats arabes unis ou le Koweït, mais aussi l’Egypte et la Jordanie.
En délicatesse avec la communauté internationale, et aux prises avec les Frères musulmans dans son pays, l’Egypte du maréchal Abdel Fattah al-Sissi était déjà intervenu militairement en Libye pour combattre l’Etat islamique. «Les deux pays (Arabie saoudite et Egypte) affichent ainsi leur prétention de défendre le monde sunnite face aux chiites. Ils tentent par la même occasion de contester à Al-Qaida et à l’Etat islamique ce même rôle que les deux organisations se sont attribué», poursuit Stéphane Lacroix.
Grisés par leurs victoires (relatives) en Irak, les extrémistes iraniens ne sont pas en reste. Aujourd’hui, les Iraniens et leurs alliés contrôlent plus ou moins directement Bagdad, Damas et Beyrouth. Certains y voient l’annonce d’autres victoires. Un député iranien, Ali Reza Zakani, s’enflammait récemment: «La révolution yéménite ne s’arrêtera pas au Yémen. Elle s’étendra jusqu’à l’intérieur même de l’Arabie saoudite.» Comme elle l’a démontré à la suite du Printemps arabe, où elle est intervenue militairement pour faire taire la contestation chiite au Bahreïn, l’Arabie saoudite est très préoccupée par une «contagion» de la contestation chiite qui pourrait toucher sa propre minorité.
Aujourd’hui, face aux négociations qui se tiennent à Lausanne et qui pourraient déboucher sur une «normalisation» de l’Iran, chacun semble montrer ses muscles. Alors qu’Al-Qaida est très présente au Yémen et que l’Etat islamique vient de semer la terreur en tuant plus de 140 personnes dans des mosquées fréquentées par les Houthis, on prête l’intention à Ryad de «monter» les tribus sunnites modérées du Yémen à la fois contre les chiites et contre les terroristes sunnites. L’engrenage de tous les dangers.
Luis Lema 

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