La justice suisse veut mettre son nez dans les fédérations sportives installées sur son sol. À commencer par la Fédération internationale de football.
Si plus d'une trentaine de fédérations sportives internationales - comme la Fédération internationale de football (Fifa), l'Union européenne des associations de football (UEFA), le Comité international olympique (CIO) ou la Fédération internationale de cyclisme - possèdent leur siège en Suisse, c'est probablement pour la beauté de ses lacs. Mais ce choix est peut-être aussi dicté par de très attractives exonérations fiscales. Sans oublier certaines particularités du droit pénal helvétique, qui poursuit la corruption publique, mais pas la corruption privée.
Il y a quelques années, la justice suisse avait découvert que la société de marketing sportif International Sport and Leisure (ISL), domiciliée à Zoug, avait versé des pots-de-vin aux responsables de la Fifa pour obtenir les droits de diffusion de la Coupe du monde. Les Brésiliens Ricardo Teixeira, président de la fédération brésilienne et vice-président exécutif de la Fifa, et João Havelange, président de la Fifa de 1974 à 1998, empochaient respectivement 10 millions de francs suisses (8 millions d'euros) et 1,24 million de francs (environ 1 million d'euros).
Les poches gonflées de billets de banque
"Bien que l'existence du versement de ces sommes ait été attestée, le procureur n'a pas pu accuser Havelange et Teixeira d'une infraction de corruption. Les crimes de corruption dans le secteur privé n'existent pas en Suisse", dénonce l'association Transparency International Suisse. Quant à la loi sur la concurrence déloyale, elle ne s'applique pas dans le domaine sportif : la Fifa étant la seule association habilitée à choisir le lieu des compétitions sportives. Aucune autre fédération sportive ne lui conteste ce pouvoir d'attribution.
Autre exemple : l'auteur de cet article peut témoigner d'un étrange manège qui s'est déroulé en sa présence à l'hôtel Lausanne Palace dans les années 2000. Les membres du CIO se succédaient toutes les dix minutes environ dans une suite louée par un "porteur de valises" opérant pour la Russie. Plus tard, en sabrant le champagne, ce dernier pouvait annoncer fièrement : "C'est Sotchi qui sera choisie pour les Jeux olympiques d'hiver, même si les gens du CIO ne savent toujours pas situer cette ville sur une carte !" Même surpris avec les poches gonflées de billets de banque à la sortie de l'hôtel, les participants n'auraient pas pu être arrêtés par la police suisse.
Joseph Blatter dans la ligne de mire
Mais les temps changent. Les soupçons de corruption qui planent sur l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar (ainsi que la Coupe du monde 2018 en Russie) embarrassent la Suisse. Ils contribuent à la détérioration de son image. D'autant que le président de la Fifa, Joseph Sepp Blatter, est un Suisse, né en 1936 dans le canton du Valais. Malgré son âge (78 ans) et les multiples soupçons de détournements de fonds et de corruption qui entachent la Fédération internationale de football, cet ancien responsable de relations publiques de l'Office du tourisme valaisan a annoncé qu'il briguerait un cinquième mandat en mai 2015 à Zurich.
"La corruption privée sera poursuivie et réprimée d'office, même dans le cas où elle n'entraîne pas de distorsions concurrentielles", annonce le Conseil fédéral (gouvernement suisse), insistant sur les "nombreuses fédérations sportives internationales qui ont leur siège en Suisse et dont les décisions ont été discréditées, à plusieurs reprises, par des scandales de corruption". Difficile d'être plus clair. Cette révolution pénale est défendue par Simonetta Sommaruga, la ministre socialiste de la Justice et de la Police.
Plus de 30 fédérations sportives internationales
Si les socialistes sont minoritaires au sein du gouvernement helvétique (deux ministres sur sept), ils semblent cette fois être appuyés par la droite, et même l'extrême droite. Dans le mensuel La Cité, le député populiste Roland Büchel réclame un contrôle accru sur les fédérations sportives internationales. "Cela doit être clair pour tout géant mondial de l'industrie du sport et du divertissement que le droit actuel aussi bien que les privilèges fiscaux ne sont pas gravés dans la pierre", lâche-t-il.
Outre la Fifa, installée à Zurich, le CIO, à Lausanne, l'UEFA, à Nyon, la Suisse accueille notamment les fédérations internationales de ski, de hockey sur glace, d'athlétisme, de volley-ball, de base-ball, de bobsleigh, de canoë, d'escrime, de natation, ainsi que le Tribunal arbitral du sport. Cette semaine à Genève, pour évoquer la lutte contre la corruption, Michael Lauber, le procureur général de la Confédération, était accompagné de Delphine Centlivres, la directrice de Transparency International Suisse, et de Nicolas Giannakopoulos, président de l'Observatoire du crime organisé (OCO). Les temps changent.
Si plus d'une trentaine de fédérations sportives internationales - comme la Fédération internationale de football (Fifa), l'Union européenne des associations de football (UEFA), le Comité international olympique (CIO) ou la Fédération internationale de cyclisme - possèdent leur siège en Suisse, c'est probablement pour la beauté de ses lacs. Mais ce choix est peut-être aussi dicté par de très attractives exonérations fiscales. Sans oublier certaines particularités du droit pénal helvétique, qui poursuit la corruption publique, mais pas la corruption privée.
Il y a quelques années, la justice suisse avait découvert que la société de marketing sportif International Sport and Leisure (ISL), domiciliée à Zoug, avait versé des pots-de-vin aux responsables de la Fifa pour obtenir les droits de diffusion de la Coupe du monde. Les Brésiliens Ricardo Teixeira, président de la fédération brésilienne et vice-président exécutif de la Fifa, et João Havelange, président de la Fifa de 1974 à 1998, empochaient respectivement 10 millions de francs suisses (8 millions d'euros) et 1,24 million de francs (environ 1 million d'euros).
Les poches gonflées de billets de banque
"Bien que l'existence du versement de ces sommes ait été attestée, le procureur n'a pas pu accuser Havelange et Teixeira d'une infraction de corruption. Les crimes de corruption dans le secteur privé n'existent pas en Suisse", dénonce l'association Transparency International Suisse. Quant à la loi sur la concurrence déloyale, elle ne s'applique pas dans le domaine sportif : la Fifa étant la seule association habilitée à choisir le lieu des compétitions sportives. Aucune autre fédération sportive ne lui conteste ce pouvoir d'attribution.
Autre exemple : l'auteur de cet article peut témoigner d'un étrange manège qui s'est déroulé en sa présence à l'hôtel Lausanne Palace dans les années 2000. Les membres du CIO se succédaient toutes les dix minutes environ dans une suite louée par un "porteur de valises" opérant pour la Russie. Plus tard, en sabrant le champagne, ce dernier pouvait annoncer fièrement : "C'est Sotchi qui sera choisie pour les Jeux olympiques d'hiver, même si les gens du CIO ne savent toujours pas situer cette ville sur une carte !" Même surpris avec les poches gonflées de billets de banque à la sortie de l'hôtel, les participants n'auraient pas pu être arrêtés par la police suisse.
Joseph Blatter dans la ligne de mire
"La corruption privée sera poursuivie et réprimée d'office, même dans le cas où elle n'entraîne pas de distorsions concurrentielles", annonce le Conseil fédéral (gouvernement suisse), insistant sur les "nombreuses fédérations sportives internationales qui ont leur siège en Suisse et dont les décisions ont été discréditées, à plusieurs reprises, par des scandales de corruption". Difficile d'être plus clair. Cette révolution pénale est défendue par Simonetta Sommaruga, la ministre socialiste de la Justice et de la Police.
Plus de 30 fédérations sportives internationales
Si les socialistes sont minoritaires au sein du gouvernement helvétique (deux ministres sur sept), ils semblent cette fois être appuyés par la droite, et même l'extrême droite. Dans le mensuel La Cité, le député populiste Roland Büchel réclame un contrôle accru sur les fédérations sportives internationales. "Cela doit être clair pour tout géant mondial de l'industrie du sport et du divertissement que le droit actuel aussi bien que les privilèges fiscaux ne sont pas gravés dans la pierre", lâche-t-il.
Outre la Fifa, installée à Zurich, le CIO, à Lausanne, l'UEFA, à Nyon, la Suisse accueille notamment les fédérations internationales de ski, de hockey sur glace, d'athlétisme, de volley-ball, de base-ball, de bobsleigh, de canoë, d'escrime, de natation, ainsi que le Tribunal arbitral du sport. Cette semaine à Genève, pour évoquer la lutte contre la corruption, Michael Lauber, le procureur général de la Confédération, était accompagné de Delphine Centlivres, la directrice de Transparency International Suisse, et de Nicolas Giannakopoulos, président de l'Observatoire du crime organisé (OCO). Les temps changent.
Par Ian Hamel
* lepoint.fr
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