L'artiste néo-zélandais Lemi Ponifasio intègre des amateurs dans ses spectacles. Pour I am il a travaillé plusieurs mois avec des jeunes réunis par Nadjette Boughalem.
Qui peut le deviner en découvrant I am, dans la cour d'Honneur? Un spectacle de près de deux heures qui parle de la guerre et célèbre le mystère et la grâce de l'humain en une chorégraphie impressionnante qui utilise l'espace d'une manière puissante et belle. Un spectacle qui représente l'ouverture en France des commémorations du début de la guerre de 14.
Qui devinerait qu'au côté de la troupe de Lemi Ponifasio, un artiste universellement reconnu et dont on a déjà pu voir deux productions au Théâtre de la Ville, à Paris, il y a des jeunes des quartiers dits «sensibles» d'Avignon, des quartiers hors les murs, et un, plus âgé mais qui vient du même monde?
Ils sont sept, qui toute l'année travaillent avec la dynamique Nadjette Boughalem, à la Maison pour tous de Champfleury, un centre social dirigée par Samia Guillaume. Ils côtoient, sans qu'on puisse repérer qu'ils sont des amateurs, les artistes venus de Nouvelle-Zélande et de culture Maori, venus de Samoa, d'Indonésie, de Java, de Bali mais aussi du Canada, d'Autriche, d'Italie.
Une expérience extraordinaire dont trois d'entre eux nous ont parlé. Nadjette Boughalem, qui est médiatrice culturelle et est de Champfleury. Ses parents sont originaires d'Annaba en Algérie. Omar Dahmane, 20 ans, étudiant en art dramatique au Conservatoire de la ville, vient de Monclar. Sa famille est originaire du Maroc. Sa mère est arrivée en France dans les années 80, son père en 99 seulement. Halim Rahmouni, 45 ans, venu lui de La Croix des Oiseaux. Nadjette et lui se connaissent depuis vingt-cinq ans. Sa maman est d'Oran. Elle appartient à la grande famille Sennoussi. Son père, berger, a quitté l'Algérie dans les années 60. Halim, a été longtemps comédien avant de se tourner vers un autre destin. Aujourd'hui, il est contractuel dans les lycées, mais n'a jamais renoncé à l'art et au chant en particulier.
Tous les trois sont des français parfaitement intégrés, mais qui n'oublient en rien leurs racines, leurs cultures. Ils ont heureux et rayonnants, intelligents, et dégagent une énergie calme.
Point commun: les ateliers que dirige Nadjette. Une douzaine de personnes qui travaillent toute l'année durant sur des textes, Louis Calaferte, par exemple, sur des thématiques qu'ils construisent eux-mêmes, les femmes par exemple. Des amateurs. Des amateurs remarquables qui se produisent régulièrement sous le nom «Les Z'urbains».
«Nous avons été contactés dès octobre 2013, sur une suggestion de Paul Rondin, directeur délégué du festival, Agnès Troly, programmatrice et Olivier Py. En décembre, Lemi Ponifasio est venu nous voir à la Maison pour tous pour nous expliquer son travail et le projet pour la cour qui devait parler de la guerre puisqu'il était inscrit dans les commémorations de la première guerre mondiale», explique Nadjette, une belle brune au sourire éclatant, au regard profond et vif.
«Sept d'entre nous se sont engagés. Nous sommes tous volontaires pour cette expérience. Moi, souligne Halim, je suis plus âgé: Lemi cherchait quelqu'un capable d'incarner un iman qui chante l'appel à la prière. J'ai toujours travaillé sur la voix, et c'est pourquoi je suis là.»
Le groupe s'est composé: quatre filles, deux garçons, plus Halim qui a un rôle très important dans le spectacle. «En avril, a eu lieu une deuxième rencontre, poursuit Nadjette. On a déjeuné avec Lemi Ponifasio et il a passé toute l'après-midi avec nous. Il ne parle pas français et nous ne maîtrisons pas tous l'anglais. Mais il y avait toujours une interprète qui ne nous a pas quittés pour la suite du travail. Enfin, le 5 juillet, il est arrivé à Avignon, et là le vrai travail a commencé.»
Tous sont frappés par l'intensité de chacun dans le spectacle. Nadjette rit: «Moi qui ne transpire jamais, lorsque nous avons appris la marche lente, si particulière, que vous voyez dans le spectacle et lorsque je suis sur le plateau de la cour, je dégouline! C'est très étrange. C'est une marche flottée, comme si on marchait sur l'eau, et c'est nous qui partons en eau!»
Vue de la salle, c'est fascinant et magique, d'une beauté à couper le souffle. «Il va vers l'épure. Il gomme. Il nous gomme. Il enlève les scories. Nous participons à des tableaux, des images. Le sens est donné par l'ensemble.» Halim poursuit: «Ce qui est très étonnant, c'est qu'il nous a dit: vous avez chacun votre place dans le spectacle, et c'est vrai! Nous avons eu des séances intenses de travail avec un danseur, John, puis avec Charles Koroneho .» Charles Koroneho est celui qui profère la grande incantation de l'ouverture, après la Marseillaise et l'explosion nucléaire qui ouvrent le spectacle. Un moment sidérant.
Cinq représentations dans la cour d'Honneur
«Nous participons à la scène des cercueils, cette ronde lente, et nous participons à ces marches enveloppantes et si lentes, très particulières qui exigent une grande concentration.»
Résumer un tel spectacle serait stérile ; il faut se laisser envahir. On leur fait remarquer que c'est un peu notre cerveau reptilien qui est sollicité pour comprendre sans mots, sans phrases le travail de Lemi Ponifasio. «C'est vrai dit Halim. Il ne faut pas raisonner.» Et Nadjette: «Avec Lemi, si tu réfléchis, rentre chez toi!» Quant au jeune Omar: «Il faut oublier tous les habitudes que l'on peut avoir comme comédien. Pour moi, c'est une expérience extraordinairement enrichissante.»
Cinq représentations dans la cour d'Honneur, plus la pré-générale où étaient invités les amis, les familles. «Elle est impressionnante, cette cour d'Honneur, évidemment, souligne Nadjette, mais nous sommes si bien intégrés et notre travail est tellement précis, que nous ne sommes pas entravés par le trac!»
Halim a fait des recherches pour choisir le texte qu'il psalmodie. Il est de Cheik Mishary Rachid al-Afasy. Après la scène que l'on peut appeler «du Christ», sa voix s'élève dans la cour et c'est aussi beau que magique. «Ce n'est pas pour autant un spectacle religieux» disent-ils tous. «Lemi vient d'un pays où l'animisme est encore très profond. Il nous met en relation avec les forces de la terre comme du ciel, il s'interroge sur le destin de l'homme. Il nous transmet quelque chose qui dépasse le simple spectacle. La scène du primate qui est incarné par Helmi Prasetyo, qui vient de Java et qui a un petit théâtre et une école de danse dans son village, est à cet égard très éloquente: en se mouvant, il nous dit quelque chose qui ne passe pas par les mots.»
Le spectacle est à 22h. Arrivée 16h dans les coulisses pour deux heures d'échauffement. Pause. Costumes et maquillage puis concentration avant la représentation. «Quand je pense que j'ai les pieds peints en noir! remarque Halim. J'ai raconté à Lemi qui on appelait «les Pieds noirs» et il a trouvé que, raison de plus. L'Iman a les pieds noirs!»
Tous sont heureux. Leurs autres camarades, Véronique Couderc, Simon Guermeur, Léa Louard, Diletta Moscatelli, Gilles Paume, Violaine Vézolle-Perruchon ne sont pas prêts d'oublier Lemi Ponifasio, sa beauté de chaman, sa générosité, son tempérament d'artiste et le mystère de la grâce. «Vous faites partie de ma famille» leur a-t-il dit. Et cela, c'est pour la vie.
Par Freedom1
Qui peut le deviner en découvrant I am, dans la cour d'Honneur? Un spectacle de près de deux heures qui parle de la guerre et célèbre le mystère et la grâce de l'humain en une chorégraphie impressionnante qui utilise l'espace d'une manière puissante et belle. Un spectacle qui représente l'ouverture en France des commémorations du début de la guerre de 14.
Qui devinerait qu'au côté de la troupe de Lemi Ponifasio, un artiste universellement reconnu et dont on a déjà pu voir deux productions au Théâtre de la Ville, à Paris, il y a des jeunes des quartiers dits «sensibles» d'Avignon, des quartiers hors les murs, et un, plus âgé mais qui vient du même monde?
Ils sont sept, qui toute l'année travaillent avec la dynamique Nadjette Boughalem, à la Maison pour tous de Champfleury, un centre social dirigée par Samia Guillaume. Ils côtoient, sans qu'on puisse repérer qu'ils sont des amateurs, les artistes venus de Nouvelle-Zélande et de culture Maori, venus de Samoa, d'Indonésie, de Java, de Bali mais aussi du Canada, d'Autriche, d'Italie.
Une expérience extraordinaire dont trois d'entre eux nous ont parlé. Nadjette Boughalem, qui est médiatrice culturelle et est de Champfleury. Ses parents sont originaires d'Annaba en Algérie. Omar Dahmane, 20 ans, étudiant en art dramatique au Conservatoire de la ville, vient de Monclar. Sa famille est originaire du Maroc. Sa mère est arrivée en France dans les années 80, son père en 99 seulement. Halim Rahmouni, 45 ans, venu lui de La Croix des Oiseaux. Nadjette et lui se connaissent depuis vingt-cinq ans. Sa maman est d'Oran. Elle appartient à la grande famille Sennoussi. Son père, berger, a quitté l'Algérie dans les années 60. Halim, a été longtemps comédien avant de se tourner vers un autre destin. Aujourd'hui, il est contractuel dans les lycées, mais n'a jamais renoncé à l'art et au chant en particulier.
Tous les trois sont des français parfaitement intégrés, mais qui n'oublient en rien leurs racines, leurs cultures. Ils ont heureux et rayonnants, intelligents, et dégagent une énergie calme.
Point commun: les ateliers que dirige Nadjette. Une douzaine de personnes qui travaillent toute l'année durant sur des textes, Louis Calaferte, par exemple, sur des thématiques qu'ils construisent eux-mêmes, les femmes par exemple. Des amateurs. Des amateurs remarquables qui se produisent régulièrement sous le nom «Les Z'urbains».
«Nous avons été contactés dès octobre 2013, sur une suggestion de Paul Rondin, directeur délégué du festival, Agnès Troly, programmatrice et Olivier Py. En décembre, Lemi Ponifasio est venu nous voir à la Maison pour tous pour nous expliquer son travail et le projet pour la cour qui devait parler de la guerre puisqu'il était inscrit dans les commémorations de la première guerre mondiale», explique Nadjette, une belle brune au sourire éclatant, au regard profond et vif.
«Sept d'entre nous se sont engagés. Nous sommes tous volontaires pour cette expérience. Moi, souligne Halim, je suis plus âgé: Lemi cherchait quelqu'un capable d'incarner un iman qui chante l'appel à la prière. J'ai toujours travaillé sur la voix, et c'est pourquoi je suis là.»
Le groupe s'est composé: quatre filles, deux garçons, plus Halim qui a un rôle très important dans le spectacle. «En avril, a eu lieu une deuxième rencontre, poursuit Nadjette. On a déjeuné avec Lemi Ponifasio et il a passé toute l'après-midi avec nous. Il ne parle pas français et nous ne maîtrisons pas tous l'anglais. Mais il y avait toujours une interprète qui ne nous a pas quittés pour la suite du travail. Enfin, le 5 juillet, il est arrivé à Avignon, et là le vrai travail a commencé.»
Tous sont frappés par l'intensité de chacun dans le spectacle. Nadjette rit: «Moi qui ne transpire jamais, lorsque nous avons appris la marche lente, si particulière, que vous voyez dans le spectacle et lorsque je suis sur le plateau de la cour, je dégouline! C'est très étrange. C'est une marche flottée, comme si on marchait sur l'eau, et c'est nous qui partons en eau!»
Vue de la salle, c'est fascinant et magique, d'une beauté à couper le souffle. «Il va vers l'épure. Il gomme. Il nous gomme. Il enlève les scories. Nous participons à des tableaux, des images. Le sens est donné par l'ensemble.» Halim poursuit: «Ce qui est très étonnant, c'est qu'il nous a dit: vous avez chacun votre place dans le spectacle, et c'est vrai! Nous avons eu des séances intenses de travail avec un danseur, John, puis avec Charles Koroneho .» Charles Koroneho est celui qui profère la grande incantation de l'ouverture, après la Marseillaise et l'explosion nucléaire qui ouvrent le spectacle. Un moment sidérant.
Cinq représentations dans la cour d'Honneur
«Nous participons à la scène des cercueils, cette ronde lente, et nous participons à ces marches enveloppantes et si lentes, très particulières qui exigent une grande concentration.»
Résumer un tel spectacle serait stérile ; il faut se laisser envahir. On leur fait remarquer que c'est un peu notre cerveau reptilien qui est sollicité pour comprendre sans mots, sans phrases le travail de Lemi Ponifasio. «C'est vrai dit Halim. Il ne faut pas raisonner.» Et Nadjette: «Avec Lemi, si tu réfléchis, rentre chez toi!» Quant au jeune Omar: «Il faut oublier tous les habitudes que l'on peut avoir comme comédien. Pour moi, c'est une expérience extraordinairement enrichissante.»
Cinq représentations dans la cour d'Honneur, plus la pré-générale où étaient invités les amis, les familles. «Elle est impressionnante, cette cour d'Honneur, évidemment, souligne Nadjette, mais nous sommes si bien intégrés et notre travail est tellement précis, que nous ne sommes pas entravés par le trac!»
Halim a fait des recherches pour choisir le texte qu'il psalmodie. Il est de Cheik Mishary Rachid al-Afasy. Après la scène que l'on peut appeler «du Christ», sa voix s'élève dans la cour et c'est aussi beau que magique. «Ce n'est pas pour autant un spectacle religieux» disent-ils tous. «Lemi vient d'un pays où l'animisme est encore très profond. Il nous met en relation avec les forces de la terre comme du ciel, il s'interroge sur le destin de l'homme. Il nous transmet quelque chose qui dépasse le simple spectacle. La scène du primate qui est incarné par Helmi Prasetyo, qui vient de Java et qui a un petit théâtre et une école de danse dans son village, est à cet égard très éloquente: en se mouvant, il nous dit quelque chose qui ne passe pas par les mots.»
Le spectacle est à 22h. Arrivée 16h dans les coulisses pour deux heures d'échauffement. Pause. Costumes et maquillage puis concentration avant la représentation. «Quand je pense que j'ai les pieds peints en noir! remarque Halim. J'ai raconté à Lemi qui on appelait «les Pieds noirs» et il a trouvé que, raison de plus. L'Iman a les pieds noirs!»
Tous sont heureux. Leurs autres camarades, Véronique Couderc, Simon Guermeur, Léa Louard, Diletta Moscatelli, Gilles Paume, Violaine Vézolle-Perruchon ne sont pas prêts d'oublier Lemi Ponifasio, sa beauté de chaman, sa générosité, son tempérament d'artiste et le mystère de la grâce. «Vous faites partie de ma famille» leur a-t-il dit. Et cela, c'est pour la vie.
Par Freedom1
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