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Un clasico d'une nouvelle ère, avec les changements au Barça et au Real Madrid

Alors que le clasico pourrait propulser le Real vers le titre ou ramener le Barça dans sa direction, focus sur les trajectoires de deux clubs en plein changement.
Les années défilent si vite que le passé est déjà si loin lorsqu’on s’en rend compte. En novembre 2010, le FC Barcelone, battait, au Camp Nou, le Real Madrid de cinq buts. L’ère Guardiola allait atteindre son apogée au bout de la saison, conclue par une victoire parfaite sur Manchester United. Avec un peu de suspense, un grand Lionel Messi et une supériorité aussi tactique qu’esthétique. Le Real Madrid, qui pensait avoir trouvé son sauveur en José Mourinho, considéré comme l’antidote de Pep Guardiola suite à la victoire de l’Inter Milan en Ligue des Champions, terminait derrière son rival catalan pour la troisième année consécutive. Le Barça était le plus grand club du monde ; le Real Madrid un contradicteur trop faible pour débattre.
Depuis, les deux clubs ont emprunté des trajectoires bien plus parallèles. Chacun a gagné un titre de champion. Rien ne reste de la grande opposition entre Guardiola et Mourinho. Ni les coachs ni la tension. D’abord parce que l’amour du Portugais pour les mind games n’existe pas chez son successeur, Carlo Ancelotti. Parce que, surtout, que ce soit à l’échelle nationale ou européenne, les deux géants espagnols ne sont plus seuls. L’Atlético Madrid de Diego Simeone s’est joint à la quête de la Liga, tandis que le Bayern Munich a éjecté le Barça de son piédestal continental. Le clasico de ce dimanche, bien que son enjeu demeure le même, est ainsi beaucoup plus normal. Personne ne mettra son doigt dans l’oeil de l’entraîneur adjoint adverse. Personne ne dira, à propos de son homologue : “Ici, dans cette salle [de presse, ndlr], il est le putain de boss.”
L’attention s’est reconcentrée sur le jeu. Celui du Barça, balbutiant mais toujours capable de reproduire des séquences digne de la période 2008-2012. Celui du Real Madrid, renaîssant dans un 4-3-3 qui, par son audace offensive et son équilibre, rappelle l’époque milanaise d’Ancelotti.
Le Barça, touché par le vieillissement de son effectif, vit la fin d’un cycle. Ceux qui ont vécu sous Ronaldinho, ceux qui ont remporté la Ligue des Champions au Stade de France, il y a maintenant huit ans, se retirent progressivement. En rythme avec leur ancien entraîneur, Frank Rijkaard. Le coach hollandais a envie de faire “une pause” avant de revenir au football. De son ancienne équipe au Barça ne restent que quelques hommes. Tata Martino a hérité d’une tâche ardue : assurer la continuité des idées du Barça alors que Xavi, le penseur du Barça, approche de la fin. Martino doit concilier le désir des socios, nostalgique de la période Guardiola, avec la nécessité de changer. L’abandon de la possession face au Rayo Vallecano plus tôt dans la saison avait déclenché l’ire des fidèles, malgré les trois points.
En football, l’objet du culte doit s’adapter à l’obligation de victoire. Le WM, dispositif tactique favori de Herbert Chapman lors de son règne à Arsenal, a depuis disparu. Le 4-4-2 privilégié par Arrigo Sacchi, révolutionnaire de son temps, a été réinventé par ses successeurs. Une façon de jouer ne peut perdurer sans un minimum d’adaptation pour survivre à l’épreuve du temps. En raison d’internalités d’abord. Dans le cas du Barça, les moteurs du tiki-taka fatiguent. En raison d’externalités dans un deuxième temps. Si Barcelone n’a pas changé, les autres l’ont fait, ont progressé, développé leur réponse. En devenant si fort et si dominateur, les Catalans étaient devenus le pouvoir établi, la cible des rebelles, le roi à renverser. La révolution ne pouvait se dérouler autrement qu’à travers un réveil brutal. Désormais, le monarque est bavarois, le Barça un rebelle, bien armé, doté de Lionel Messi, comme le Real Madrid est doté de Cristiano Ronaldo. Si les deux clubs ont perdu leurs places de dominants, ils ont toujours l’outil principal de leur succès, qu’ils essaient d’intégrer de la manière la plus harmonieuse possible à leurs transformations. C’est sur ce point-là que Madrid est en avance. Quand le Barça tatônne dans son 4-3-3 post-Guardiola, le Real grandit dans un 4-3-3 installé par Ancelotti.
Le coach italien a mélangé son passé et celui du Real Madrid pour atteindre ce système, au parfum à la fois lombard années 2000 et madrilène années 2010. Le double pivot adopté par Mourinho et retenté en début de saison n’est plus. Xabi Alonso demeure le milieu le plus reculé, mais il est désormais accompagné de deux intérieurs. Le premier, Luka Modric, complet, capable de contrôler et de créer. Le second, Angel Di Maria, dans un registre plus vertical, par le dribble et l’accélération balle au pied.
La ligne offensive, en revanche, dévie des préférences rouges et noires d’Ancelotti. Le meneur d’attaque n’est pas le quatrième milieu, comme Rui Costa ou Kàkà l’étaient. C’est Karim Benzema, entre Cristiano Ronaldo et Gareth Bale, qui a ce rôle de liaison entre le pied droit du Portugais et le pied gauche du Gallois. Le Français tente d’ailleurs moins de tirs que ses deux coéquipiers (2,6 par match en Liga contre 2,9 pour Bale et 7,6 pour Ronaldo). Emprunter le langage du basket-ball est ici pertinent : des trois attaquants, Benzema est celui qui dispose du moins de ticket shoot, celui à qui on accorde le moins de possibilités de tirer. Le Real Madrid illustre cette tendance à échanger les responsabilités de buteur entre avant-centre et ailier.
La hiérarchie établie au Real Madrid et la régularité du système attestent de la rapidité avec laquelle Carlo Ancelotti est parvenu à transformer l’équipe de Mourinho en la sienne, là où Rafael Benitez a échoué à l’Inter Milan (il est vrai, après une saison monumentale des nerazzurri). Ancelotti a su profiter de la cassure dans le vestiaire madrilène pour enfiler ce costume de réconciliateur, à la fois par la tactique, grâce à un plan de jeu ambitieux, et par le management, grâce au calme qu’il apporte.
À l’inverse, le futur de Tata Martino est remis en question. Le onze choisi par l’Argentin pour le déplacement à Anoeta avait fait débat, à l’extérieur et à l’intérieur du club. Les problèmes tactiques, couplés aux affaires administratives (transfert de Neymar, changement de président) déstabilisent une institution basée sur sa réputation et un certain puritanisme instauré par Guardiola ces dernières années (le départ de Ronaldinho et d’Eto’o, le rejet de la greffe Ibrahimovic).
Le FC Barcelone garde pourtant une force incontestable. Le retour de Messi et la propension d’Iniesta à dominer les grands matchs peuvent permettre aux Catalans de conclure le cycle de Valdes, Puyol et Xavi par au moins un titre. Les Blaugranas sont en finale de Coupe du Roi, en quarts de finale de Ligue des Champions et à quatre points de la première place en championnat. Une victoire chez le leader passerait forcément par la résurgence du jeu de possession ultra-rapide du Barça, entraperçu contre Manchester City. “Nous devrons bien jouer, garder la possession du ballon, bien construire et ne pas perdre de ballons qui donneraient au Real Madrid la possibilité de contre-attaquer”, a déclaré Geraldo Martino cette semaine, en poursuivant : “il faut qu’on évite les un-contre-un sur les côtés face à Ronaldo et Bale.” Le premier clasico de l’année 2014 verra s’affronter deux 4-3-3, deux façons d’utiliser un 4-3-3 (la preuve qu’un système est neutre et qu’il est construit par les profils des joueurs). D’un point de vue historique, il opposera la fin d’un cycle grandiose au début d’un cycle prometteur.
Par RAPHAËL COSMIDIS 

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