De 40 000 dans les années 1960, la communauté marocaine installée en Belgique compte plus de 410 000 en 2014. C’est la 4e communauté marocaine à l’étranger après la France, l’Italie et l’Espagne. La deuxième et troisième génération regorgent de talents: artistes, médecins, enseignants, sociologues, ingénieurs, cinéastes, écrivains, élus locaux, sénateurs...
Cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique, depuis que le Maroc et ce pays européen ont signé en février 1964 ce fameux accord bilatéral organisant le séjour en Belgique de la main-d’œuvre marocaine. La Belgique en avait vivement besoin pour son développement économique et industriel. En un demi-siècle, cette communauté marocaine de Belgique a connu des transformations sociologiques et culturelles profondes.
Le rapport statistique et démographique «Migrations et populations issues de l’immigration en Belgique», publié en janvier 2014, nous donne d’exhaustifs renseignements sur la communauté marocaine de Belgique. Côté nombre d’abord, de 40 000 elle est passée à plus de 410 000, exactement 326 779 personnes selon les autorités consulaires marocaines (dont 182 839 sont installées à Bruxelles), soit la 4e communauté marocaine à l’étranger après celles de la France, l’Italie et l’Espagne. Le reste est considéré comme des MRE non déclarés aux consulats marocains (voir encadré).
Côté revenus, près de 70% gagnent entre 1 000 et 2 000 euros/mois et 45% moins de 1 500 euros. «Etre un homme» ou «posséder la nationalité belge» sont «les conditions favorables pour une meilleure insertion sur le marché de l’emploi», constate le rapport. «Comme ils sont nés en Belgique et ont la nationalité belge, leur intégration citoyenne n’est pas remise en question», confirme Schoonvaere Quentin, chercheur au Centre de recherche en démographie et sociétés de l’Université catholique de Louvain. D’ailleurs, il prépare une thèse de doctorat sur les trajectoires familiales des immigrés marocains (et turcs) en Belgique (voir entretien).
Côté transfert d’argent, le MRE de Belgique, selon l’Observatoire de la Communauté marocaine résidant à l’étranger (Fondation Hassan II), envoie au pays 82 823 dirhams en moyenne/an. La tranche des 45-60 ans est celle qui envoie le plus souvent de l’argent au Maroc, 76% des transferts se font pour aider la famille. Le chiffre global des transferts des Marocains de Belgique est estimé à 5% des 57 milliards de dirhams transférés annuellement par les Marocains du monde au Maroc. Cela montre un attachement très étroit de cette communauté à sa famille et à son pays, et malgré la crise économique mondiale, les tracasseries administratives et la corruption auxquelles ils sont confrontés, les Marocains de Belgique investissent fortement dans leur pays d’origine. Les chiffres sont très expressifs dans ce sens : 27% des entrepreneurs, 20% des professions libérales et 18% des cadres supérieurs investissent au Maroc ; 71% des investissements sont destinés à la région d’origine des MRE, soit Tanger-Tétouan, l’Oriental et le Grand Casablanca. Enfin, 76% des investissements concernent l’immobilier.
Désormais, l’on parle plus de Belges d’origine marocaine que de Marocains de Belgique
Volet intégration, investissement politique et insertion professionnelle, c’est en fonction des générations. Désormais, l’on ne parle plus de Marocains de Belgique comme dans les années 1960 mais de Belges d’origine marocaine jouissant d’une pleine citoyenneté. «Autant les premières générations avaient contribué au développement économique de la Belgique sans grande qualification autant les générations montantes se font remarquer par le talent, la compétence et l’expertise dans tout domaine», explique Jaâfar Debbarh, directeur de la coopération, des études et de la prospective au ministère chargé des MRE et des affaires de la migration. Avec la deuxième et troisième génération, ajoute notre source, ces Belgo-marocains sont devenus artistes, médecins, enseignants, sociologues, ingénieurs, cinéastes, poètes, peintres...
Il y a Nabil Ben Yadir qui est donné comme exemple de réussite dans le cinéma, sa consécration eut lieu à Marrakech en 2009 lorsqu’il obtient le premier prix du Festival International du film avec Les Barons. Il y a aussi Nabila Benaissa (la sœur de Loubna, disparue en 1992, et dont le corps n’a été retrouvé qu’en 1997), avocate pénaliste au barreau de Bruxelles, qui a publié Au nom de ma sœur (éditions Labor, 2003) pour défendre la cause de tous les enfants victimes de violence.
La dernière distinction en date d’un Belgo-marocain revient au talentueux cinéaste Mohamed Amin Benamraoui qui a décroché au dernier Festival national du film de Tanger, pour son opus Adios Carmen, le prix de la première œuvre cinématographique. Parti à 18 ans de Nador à Bruxelles rejoindre sa mère, il a voulu à travers ce film parler de lui en tant qu’immigré, aborder, dit-il, «le thème de l’immigration espagnole au Maroc. On en parle peu. Pourtant elle était bien réelle et présentait de nombreuses similitudes avec l’immigration actuelle des Marocains vers l’Europe».
Mais là où l’actuelle génération des Belges d’origine marocaine a remarquablement brillé, c’est sur la scène politique. Son intégration, du moins pour un certain nombre de ces Belgo-marocains, est une vraie réussite. Et pour cause, la Belgique est parmi les pays européens les plus avancés en matière de droit de vote des étrangers, il leur a été accordé depuis les élections de 2004.
A Bruxelles, 10% des élus locaux sont d’origine marocaine
Résultat : dans la seule Bruxelles, 10% des élus locaux sont d’origine marocaine. Et M. Debbarh de confirmer : Depuis les élections communales du 14 octobre 2012, dit-il, «près de vingt échevins ont été élus rien qu’à Bruxelles-Capitale. A titre d’exemple, nous citons Fatiha Saïdi, échevine de la Commune d’Evère (également sénatrice), Said Tahri au niveau de la commune de Forest. Nadia Semnate, quant à elle, est la première bourgmestre d’origine marocaine en Flandre».
Les Belges d’origine marocaine sont dans tous les domaines, dans le cinéma, la restauration et l’art, mais aussi dans la presse web, comme c’est le cas de Khalil Zeguendi, rédacteur en chef du magazine «Le Maroxellois» (www.lemaroxellois.be) et conseiller au ministère des affaires sociales de Belgique. Lancé en 2009, le magazine entend combler un vide, comme l’annonce son créateur, «en matière d’expression écrite de la communauté belgo-marocaine en Belgique». Sa dernière livraison est consacrée entièrement d’ailleurs aux 50 ans de la présence marocaine en Belgique où l’on brosse quelques portraits de Belges d’origine marocaine ayant réussi leurs parcours. C’est le cas de Mohamed Ifkiren. Né à Tinghir, dans une famille nombreuse, il arrive en 1973 à Bruxelles et fait des études d’agronomie. En 1984, il se tourne vers la restauration et ouvre le prestigieux «Les Folies berbères» , un restaurant dans le quartier des institutions européennes qui aimantait la fine fleur des élites bruxelloises, Belges de souche ou issus de l’immigration. Plus de 30 ans après son départ, le voilà de retour dans son pays pour investir et mettre à profit sa formation en agronomie. Il lance alors un ambitieux projet d’élevage de poussins, dans la région de Marrakech. En 2004, il lance à Amizmiz, lit-on dans le Maroxellois «la construction d’une casbah-hôtel, l’une des plus belles et prestigieuses réalisations de cette région. Une belle réalisation digne des superproductions hollywoodiennes». C’est dire que l’intégration est parfaite, mais le pays d’origine séduit encore ces Belgo-marocains.
Cependant, ils ne réussissent pas tous. L’insertion professionnelle quand elle est réussie, comme explique Schoonvaere Quentin, elle «se fait dans des secteurs économiques vulnérables : la restauration, le travail intermédiaire, le nettoyage industriel. Les taux de chômage sont également plus élevés chez les jeunes de la seconde génération».
Cinquante ans de l’immigration marocaine en Belgique, depuis que le Maroc et ce pays européen ont signé en février 1964 ce fameux accord bilatéral organisant le séjour en Belgique de la main-d’œuvre marocaine. La Belgique en avait vivement besoin pour son développement économique et industriel. En un demi-siècle, cette communauté marocaine de Belgique a connu des transformations sociologiques et culturelles profondes.
Le rapport statistique et démographique «Migrations et populations issues de l’immigration en Belgique», publié en janvier 2014, nous donne d’exhaustifs renseignements sur la communauté marocaine de Belgique. Côté nombre d’abord, de 40 000 elle est passée à plus de 410 000, exactement 326 779 personnes selon les autorités consulaires marocaines (dont 182 839 sont installées à Bruxelles), soit la 4e communauté marocaine à l’étranger après celles de la France, l’Italie et l’Espagne. Le reste est considéré comme des MRE non déclarés aux consulats marocains (voir encadré).
Côté revenus, près de 70% gagnent entre 1 000 et 2 000 euros/mois et 45% moins de 1 500 euros. «Etre un homme» ou «posséder la nationalité belge» sont «les conditions favorables pour une meilleure insertion sur le marché de l’emploi», constate le rapport. «Comme ils sont nés en Belgique et ont la nationalité belge, leur intégration citoyenne n’est pas remise en question», confirme Schoonvaere Quentin, chercheur au Centre de recherche en démographie et sociétés de l’Université catholique de Louvain. D’ailleurs, il prépare une thèse de doctorat sur les trajectoires familiales des immigrés marocains (et turcs) en Belgique (voir entretien).
Côté transfert d’argent, le MRE de Belgique, selon l’Observatoire de la Communauté marocaine résidant à l’étranger (Fondation Hassan II), envoie au pays 82 823 dirhams en moyenne/an. La tranche des 45-60 ans est celle qui envoie le plus souvent de l’argent au Maroc, 76% des transferts se font pour aider la famille. Le chiffre global des transferts des Marocains de Belgique est estimé à 5% des 57 milliards de dirhams transférés annuellement par les Marocains du monde au Maroc. Cela montre un attachement très étroit de cette communauté à sa famille et à son pays, et malgré la crise économique mondiale, les tracasseries administratives et la corruption auxquelles ils sont confrontés, les Marocains de Belgique investissent fortement dans leur pays d’origine. Les chiffres sont très expressifs dans ce sens : 27% des entrepreneurs, 20% des professions libérales et 18% des cadres supérieurs investissent au Maroc ; 71% des investissements sont destinés à la région d’origine des MRE, soit Tanger-Tétouan, l’Oriental et le Grand Casablanca. Enfin, 76% des investissements concernent l’immobilier.
Désormais, l’on parle plus de Belges d’origine marocaine que de Marocains de Belgique
Volet intégration, investissement politique et insertion professionnelle, c’est en fonction des générations. Désormais, l’on ne parle plus de Marocains de Belgique comme dans les années 1960 mais de Belges d’origine marocaine jouissant d’une pleine citoyenneté. «Autant les premières générations avaient contribué au développement économique de la Belgique sans grande qualification autant les générations montantes se font remarquer par le talent, la compétence et l’expertise dans tout domaine», explique Jaâfar Debbarh, directeur de la coopération, des études et de la prospective au ministère chargé des MRE et des affaires de la migration. Avec la deuxième et troisième génération, ajoute notre source, ces Belgo-marocains sont devenus artistes, médecins, enseignants, sociologues, ingénieurs, cinéastes, poètes, peintres...
Il y a Nabil Ben Yadir qui est donné comme exemple de réussite dans le cinéma, sa consécration eut lieu à Marrakech en 2009 lorsqu’il obtient le premier prix du Festival International du film avec Les Barons. Il y a aussi Nabila Benaissa (la sœur de Loubna, disparue en 1992, et dont le corps n’a été retrouvé qu’en 1997), avocate pénaliste au barreau de Bruxelles, qui a publié Au nom de ma sœur (éditions Labor, 2003) pour défendre la cause de tous les enfants victimes de violence.
La dernière distinction en date d’un Belgo-marocain revient au talentueux cinéaste Mohamed Amin Benamraoui qui a décroché au dernier Festival national du film de Tanger, pour son opus Adios Carmen, le prix de la première œuvre cinématographique. Parti à 18 ans de Nador à Bruxelles rejoindre sa mère, il a voulu à travers ce film parler de lui en tant qu’immigré, aborder, dit-il, «le thème de l’immigration espagnole au Maroc. On en parle peu. Pourtant elle était bien réelle et présentait de nombreuses similitudes avec l’immigration actuelle des Marocains vers l’Europe».
Mais là où l’actuelle génération des Belges d’origine marocaine a remarquablement brillé, c’est sur la scène politique. Son intégration, du moins pour un certain nombre de ces Belgo-marocains, est une vraie réussite. Et pour cause, la Belgique est parmi les pays européens les plus avancés en matière de droit de vote des étrangers, il leur a été accordé depuis les élections de 2004.
A Bruxelles, 10% des élus locaux sont d’origine marocaine
Résultat : dans la seule Bruxelles, 10% des élus locaux sont d’origine marocaine. Et M. Debbarh de confirmer : Depuis les élections communales du 14 octobre 2012, dit-il, «près de vingt échevins ont été élus rien qu’à Bruxelles-Capitale. A titre d’exemple, nous citons Fatiha Saïdi, échevine de la Commune d’Evère (également sénatrice), Said Tahri au niveau de la commune de Forest. Nadia Semnate, quant à elle, est la première bourgmestre d’origine marocaine en Flandre».
Les Belges d’origine marocaine sont dans tous les domaines, dans le cinéma, la restauration et l’art, mais aussi dans la presse web, comme c’est le cas de Khalil Zeguendi, rédacteur en chef du magazine «Le Maroxellois» (www.lemaroxellois.be) et conseiller au ministère des affaires sociales de Belgique. Lancé en 2009, le magazine entend combler un vide, comme l’annonce son créateur, «en matière d’expression écrite de la communauté belgo-marocaine en Belgique». Sa dernière livraison est consacrée entièrement d’ailleurs aux 50 ans de la présence marocaine en Belgique où l’on brosse quelques portraits de Belges d’origine marocaine ayant réussi leurs parcours. C’est le cas de Mohamed Ifkiren. Né à Tinghir, dans une famille nombreuse, il arrive en 1973 à Bruxelles et fait des études d’agronomie. En 1984, il se tourne vers la restauration et ouvre le prestigieux «Les Folies berbères» , un restaurant dans le quartier des institutions européennes qui aimantait la fine fleur des élites bruxelloises, Belges de souche ou issus de l’immigration. Plus de 30 ans après son départ, le voilà de retour dans son pays pour investir et mettre à profit sa formation en agronomie. Il lance alors un ambitieux projet d’élevage de poussins, dans la région de Marrakech. En 2004, il lance à Amizmiz, lit-on dans le Maroxellois «la construction d’une casbah-hôtel, l’une des plus belles et prestigieuses réalisations de cette région. Une belle réalisation digne des superproductions hollywoodiennes». C’est dire que l’intégration est parfaite, mais le pays d’origine séduit encore ces Belgo-marocains.
Cependant, ils ne réussissent pas tous. L’insertion professionnelle quand elle est réussie, comme explique Schoonvaere Quentin, elle «se fait dans des secteurs économiques vulnérables : la restauration, le travail intermédiaire, le nettoyage industriel. Les taux de chômage sont également plus élevés chez les jeunes de la seconde génération».
JAOUAD MDIDECH (lavieeco.com)
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