Si elle se croit à l’abri de la pollution atmosphérique, l’Afrique se fourvoie. Une nouvelle étude démontre qu'elle pourrait bientôt émettre la majorité des émissions de particules fines.
En prendra-t-elle conscience ?.."La famine, la galère ou les coups d’État, c’est pour nous. Mais la pollution, c’est pour les pays développés", lançait un Africain plutôt goguenard. C’est qu’il ne supportait les fléaux associés à l’Afrique que consolé par l’idée que ses poumons seraient à l’abri des pluies acides et des gaz à effet de serre, calamités forcément "occidentales". Pourtant, les "frères" africains de cet observateur stoïque ne portent-ils pas volontiers de petits masques blancs, lorsqu’ils se font "remorquer" par un zémidjan béninois ou un oncle malien ? Si, mais ce ne serait que pour préserver les bronches de la latérite soulevée par l’Harmattan, d’une saine poussière en somme. Par pour faire barrage au dioxyde d’azote, au carbone suie ou au monoxyde de carbone à l’assaut des muqueuses européennes…
Voici donc le continent noir - censément peu urbain et sous-industrialisé - en train d’apprendre, sans la moindre inquiétude, qu’une partie des Français circulent alternativement en automobile, après cinq jours marqués par une importante pollution. Il entend qu’en Chine - autre pays dont le développement, même embryonnaire, fait rêver - les normes en matière de proportion de particules fines en suspension dans l'air, les PM2,5 (particules de moins de 2,5 µm de diamètre) sont régulièrement pulvérisées. En Afrique, on vivrait encore sous la bienveillance environnementale de brousses à perte de vue. La densité des forêts y est moindre qu’ailleurs, sans doute, mais celles-ci affrontent peu de fumée d’usines dans leur travail de photosynthèse…
Si le continent africain souffre de fléaux qui paraissent souvent spécifiques, il n’échappe plus à ceux qu’on croyait réservés au Nord. Une récente étude publiée mi-mars par la revue Environmental Research Letters démontre la détérioration de la qualité de l’air dans les villes africaines. Elle indique que l’Afrique pourrait concentrer, d’ici à 2030, la moitié de l’air pollué de la planète. L’équipe de chercheurs, composée de Français et d’Ivoiriens encadrés par le Laboratoire d'aérologie lié au CNRS et à l’Université Toulouse III, précise que le pourcentage oscille actuellement entre 5 et 20% de la pollution mondiale ; un chiffre qui pourrait progresser, si aucune mesure n’était prise, jusqu'à 55% des émissions en polluants et particules, d’ici une quinzaine d’années. Il faut dire que cette période devrait connaître une diminution des mêmes émissions dans la partie nord de la planète. Les causes de cette dégradation de la qualité de l’air africain sont, bien sûr, la forte croissance de la population urbaine et un rapide développement des activités industrielles, mais aussi la consommation de l’essence et du diesel par des véhicules plus anciens qu’ailleurs, la prolifération des deux-roues, l’usage du bois de chauffage, l’utilisation du charbon de bois, ou encore la combustion de galettes fabriquées à partir de bouses d’animaux séchées.
Les conséquences de cette flambée des particules polluantes devraient être une augmentation des problèmes d’asthme, des allergies, de pathologies respiratoires, de maladies parfois cardiovasculaires et même d’ordre cancérigène. Les pays les plus touchés pourraient être le Nigeria, l’Éthiopie et le Kenya.
La pollution atmosphérique est donc aussi présente en Afrique qu’ailleurs dans le monde, même si l’on dispose moins d’inventaires précis des émissions de polluants dans l’air. Le continent dispose également d’un nombre réduit de projections et de mesures politiques environnementales. Seule l’Afrique du Sud a mis en place des réseaux de mesure de la qualité de l’air qui convainquent les spécialistes. Ailleurs, la sous-estimation de l’ampleur du problème pourrait donc contribuer à ce que l’Afrique devienne le continent le plus pollué de la planète. Pire, si l’Afrique sous-estime le problème, certains sous-estime l’Afrique. Ainsi les modèles de changement climatique présentés par le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) auraient sous-évalué les émissions polluantes africaines à venir. Et donc sous-estimé la part du “continent chaud” dans le réchauffement de la planète…
En masquant nos bouches avec des masques, on se voile aussi la face…
En prendra-t-elle conscience ?.."La famine, la galère ou les coups d’État, c’est pour nous. Mais la pollution, c’est pour les pays développés", lançait un Africain plutôt goguenard. C’est qu’il ne supportait les fléaux associés à l’Afrique que consolé par l’idée que ses poumons seraient à l’abri des pluies acides et des gaz à effet de serre, calamités forcément "occidentales". Pourtant, les "frères" africains de cet observateur stoïque ne portent-ils pas volontiers de petits masques blancs, lorsqu’ils se font "remorquer" par un zémidjan béninois ou un oncle malien ? Si, mais ce ne serait que pour préserver les bronches de la latérite soulevée par l’Harmattan, d’une saine poussière en somme. Par pour faire barrage au dioxyde d’azote, au carbone suie ou au monoxyde de carbone à l’assaut des muqueuses européennes…
Voici donc le continent noir - censément peu urbain et sous-industrialisé - en train d’apprendre, sans la moindre inquiétude, qu’une partie des Français circulent alternativement en automobile, après cinq jours marqués par une importante pollution. Il entend qu’en Chine - autre pays dont le développement, même embryonnaire, fait rêver - les normes en matière de proportion de particules fines en suspension dans l'air, les PM2,5 (particules de moins de 2,5 µm de diamètre) sont régulièrement pulvérisées. En Afrique, on vivrait encore sous la bienveillance environnementale de brousses à perte de vue. La densité des forêts y est moindre qu’ailleurs, sans doute, mais celles-ci affrontent peu de fumée d’usines dans leur travail de photosynthèse…
Si le continent africain souffre de fléaux qui paraissent souvent spécifiques, il n’échappe plus à ceux qu’on croyait réservés au Nord. Une récente étude publiée mi-mars par la revue Environmental Research Letters démontre la détérioration de la qualité de l’air dans les villes africaines. Elle indique que l’Afrique pourrait concentrer, d’ici à 2030, la moitié de l’air pollué de la planète. L’équipe de chercheurs, composée de Français et d’Ivoiriens encadrés par le Laboratoire d'aérologie lié au CNRS et à l’Université Toulouse III, précise que le pourcentage oscille actuellement entre 5 et 20% de la pollution mondiale ; un chiffre qui pourrait progresser, si aucune mesure n’était prise, jusqu'à 55% des émissions en polluants et particules, d’ici une quinzaine d’années. Il faut dire que cette période devrait connaître une diminution des mêmes émissions dans la partie nord de la planète. Les causes de cette dégradation de la qualité de l’air africain sont, bien sûr, la forte croissance de la population urbaine et un rapide développement des activités industrielles, mais aussi la consommation de l’essence et du diesel par des véhicules plus anciens qu’ailleurs, la prolifération des deux-roues, l’usage du bois de chauffage, l’utilisation du charbon de bois, ou encore la combustion de galettes fabriquées à partir de bouses d’animaux séchées.
Les conséquences de cette flambée des particules polluantes devraient être une augmentation des problèmes d’asthme, des allergies, de pathologies respiratoires, de maladies parfois cardiovasculaires et même d’ordre cancérigène. Les pays les plus touchés pourraient être le Nigeria, l’Éthiopie et le Kenya.
La pollution atmosphérique est donc aussi présente en Afrique qu’ailleurs dans le monde, même si l’on dispose moins d’inventaires précis des émissions de polluants dans l’air. Le continent dispose également d’un nombre réduit de projections et de mesures politiques environnementales. Seule l’Afrique du Sud a mis en place des réseaux de mesure de la qualité de l’air qui convainquent les spécialistes. Ailleurs, la sous-estimation de l’ampleur du problème pourrait donc contribuer à ce que l’Afrique devienne le continent le plus pollué de la planète. Pire, si l’Afrique sous-estime le problème, certains sous-estime l’Afrique. Ainsi les modèles de changement climatique présentés par le Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) auraient sous-évalué les émissions polluantes africaines à venir. Et donc sous-estimé la part du “continent chaud” dans le réchauffement de la planète…
En masquant nos bouches avec des masques, on se voile aussi la face…
Damien Glez
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