Pour toutes sortes de raisons bonnes ou mauvaises,
nous mentons très
souvent. Et, selon les spécialistes,
la grande majorité de nos propos
fallacieux sont pris pour argent comptant. D’où nous vient ce talent
vénéneux ?
Le menteur est un individu qui a l’intention délibérée de tromper une
autre personne sans donner le moindre avertissement et sans que sa
victime lui ait demandé d’agir ainsi. Un menteur connaît la vérité,
sinon il ne ferait que se tromper lui-même, et il a le choix de la dire
ou non. Ce menteur intentionnel, c’est vous et c’est moi. Dans ce
sens-là, nous mentons souvent – deux fois et demie par jour en moyenne,
selon une étude américaine restée célèbre (1).
Mais un brin d’introspection lorsque le soir arrive permet de constater
par nous-mêmes que nous proférons plusieurs mensonges par jour, pas
très graves, mais tout de même. Ces petites tricheries émaillent la vie
ordinaire du citoyen lambda.
Un mensonge est toujours fragile : il peut être démasqué sur le champ,
résister plusieurs jours, des semaines, des mois, des années, mais reste
toujours sous la menace d’être dénoncé un jour. Cependant, des études
montrent que les mensonges sont souvent couronnés de succès : seulement
18 % de nos duperies sont détectées, selon la même étude. C’est peu, et
cela signifie que plus de 80 % de nos mensonges ne le sont pas.
Comment expliquer que nous soyons si faciles à rouler dans la farine ?
Voici quelques éléments qui aident à le comprendre. D’abord, il faut
admettre qu’il existe entre les êtres humains une règle implicite qui
régit toutes nos relations sociales et suppose que lorsque je m’adresse,
à vous je suis a priori sincère,
honnête. En d’autres termes, entre les êtres humains, la confiance est
de mise. Le mensonge est la transgression de cette norme. C’est la
raison pour laquelle il est en général si violemment condamné. Le
sentiment de trahison qui résulte d’une interaction mensongère ainsi que
la perte de confiance dans la personne qui a menti peuvent affecter
durablement et profondément la relation entre deux individus. Un
mensonge peut même être à l’origine de la fin brutale et définitive
d’une relation entre deux amis, entre deux époux… Donc, nous faisons a priori confiance
à la personne qui nous parle, à celles avec qui nous travaillons, à
celles avec lesquelles nous vivons. C’est une première raison de notre
fréquente naïveté.
Cachez cette vérité que je ne saurais voir !
La deuxième raison est que nous sommes de bien meilleurs menteurs que
nous consentons à l’admettre. En effet, penser ou dire de soi que l’on
est un « bon menteur », c’est se présenter sous un jour pour le moins
défavorable. Puisque le mensonge est la transgression d’une règle
morale, le menteur est un personnage bien peu fréquentable. Mais, que
nous l’acceptions ou non, l’une des explications au nombre si important
de mensonges réussis réside dans cette constatation : nous sommes de
biens meilleurs menteurs que nous le croyons ou voulons le croire…
En revanche, nous sommes de bien piètres détecteurs de menteurs. Nous
nous croyons toutes et tous plutôt efficaces dans le tri des propos
proférés par notre entourage professionnel ou personnel. Mais ce n’est
de toute évidence pas le cas, et l’une des raisons à cela est que notre
jugement est plein de stéréotypes sur les signes extérieurs du mensonge.
Nous pensons savoir ce qu’est l’apparence même du menteur : une
personne qui baisse les yeux, qui a une voix mal assurée, qui produit un
discours hésitant et présente des signes de nervosité. Or, si cette
description correspond bien à celle d’une personne timide ou fortement
introvertie, elle n’est pas spécialement celle d’un menteur en train de
mentir. Il suffira pour s’en convaincre de se rappeler la totale
assurance avec laquelle des hommes politiques profèrent régulièrement
des mensonges en public. On conçoit que chacun d’entre nous puisse
posséder au moins un peu de ce talent.
Enfin, dernière explication : les êtres humains que nous sommes
préférons souvent ignorer la vérité. Nous savons que si nous fouillons
l’emploi du temps de notre conjoint(e), nous risquons d’y trouver des
choses qui ne nous plairons pas. Nous savons également que les petits
arrangements entre ami(e)s au travail ne sont pas toujours très
vertueux. Bref, il est clair que la vérité risque toujours d’être
pénible à regarder en face, plus qu’une situation où règne un peu de
brouillard, un peu de flou, un peu de mensonges… Alors nous préférons ne
pas savoir, ne pas entendre, ne pas connaître afin de préserver notre
vie personnelle telle qu’elle est, notre travail tel qu’il est, et
conserver notre cercle d’amis avec qui nous passons du temps depuis si
longtemps… Malgré ses conséquences potentiellement catastrophiques, le
mensonge n’est rien d’autre qu’une activité humaine très fréquente. Il
met de l’huile dans les rouages de notre vie sociale. C’est sans doute
pour cela qu’il est si souvent réussi : il est pratiquement
indispensable.Lire la suite sur scienceshumaines.com
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